#3-La diseuse de bonne aventure : une mise en garde contre la méchanceté du monde

15 janvier 2011
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En peinture, le thème de la diseuse de bonne aventure apparaît au XVIIe siècle.

Le premier à le traiter est Michelangelo Merisi, bien plus connu sous le nom de Caravage. Cette toile de jeunesse met en scène une jeune et belle gitane lisant les lignes de la main à un jeune cavalier empanaché. Elle sourit et regarde son client droit dans les yeux, image même de la probité semble-t-il… et pourtant dans le même temps, elle lui dérobe, de façon presque invisible, l’anneau qu’il porte au doigt. Ce qui apparaît de prime abord comme une banale scène de genre devient une allégorie de la duplicité. Il s’agit d’une condamnation sans appel de la voyance, et à travers elle, de ceux qui la pratiquent, les gitans. Le peintre se moque également des clients trop naïfs, qui encouraient le risque de se faire excommunier pour avoir eu recours à des diseuses de bonne aventure. Symbole de la jeunesse trop facilement dupée le jeune homme ne se retrouvera pas seulement délesté de son bijou mais également d’une grande partie de ses illusions. La composition de la toile ne laisse aucun doute sur le propos du peintre : la lumière oblique éclaire à la fois les regards et les mains des deux personnages. Ainsi, le regard du spectateur est attiré sur les éléments principaux, ceux qui révèlent le drame qui se joue.

L’image négative des gitans ainsi véhiculée est reprise par d’autres artistes, s’inscrivant dans la mouvance du Caravage. 

On la retrouve ainsi chez Simon Vouet. Ici, la diseuse de bonne aventure n’est plus seule : elle est assistée par une vieille femme qui se charge de dépouiller le client pendant que la première détourne son attention. Le spectateur est complice du vol en train de se commettre puisque la voleuse, souriante et édentée, regarde dans sa direction et le prend à témoin de son geste.

Georges de La Tour réalise également une toile sur ce sujet. Le tout jeune garçon richement vêtu est une cible privilégiée pour le groupe de gitanes qui le dépouille de sa bourse et de sa montre pendant qu’il écoute confiant le discours de la vieille femme dont l’aspect caricatural révèle l’ampleur des tares. La composition du tableau repose sur le contraste : entre la jeunesse et la vieillesse, entre la beauté et la laideur, entre la confiance et la duplicité, entre le calme apparent et la secrète activité dont témoignent le jeu des mains et des regards.

Les particularités physiques des deux jeunes filles de gauche aux yeux noirs et à la peau foncée les désignent, ainsi que leurs vêtements colorés, comme des bohémiennes. De La Tour connaissait les mœurs de cette communauté, comme l’attestent les coiffures : les jeunes filles portaient leurs cheveux dénoués, les femmes mariées les cachaient sous un foulard, mais un foulard noué sous le menton indiquait qu’elles n’étaient ni mariées ni vierges. Ainsi, la jeune femme à la peau blanche serait-elle au service de la vieille femme qui seraient alors, en plus de tous ses autres défauts, une maquerelle. Cette femme permet d’évoquer une autre idée reçue, fréquemment traitée dans la littérature, circulant alors sur les gitans qui voleraient les filles de familles chrétiennes et les entraîneraient sur les routes avec eux.

L’image de la gitane voleuse devient donc un genre à part entière, que certains artistes détournent. Le thème du trompeur trompé connaît un certain succès.

C’est le cas de Valentin de Boulogne. Au thème dorénavant traditionnel de la voleuse il ajoute celui du voleur volé puisqu’à l’extrémité gauche du drapeau un fripon caché dans un gros manteau dérobe à la bohémienne le poulet qu’elle avait caché dans son sac.

Dans cette toile de Simon Vouet la gitane est victime d’une belle courtisane, richement vêtue, et de son complice. Les gestes des personnages permettent de comprendre la scène. La femme en rose, moqueuse, prend le spectateur à témoin de sa duplicité tandis que le voleur demande le silence. L’homme dans le fond lance un regard interrogateur au voleur tout en désignant la femme du doigt, révélant ainsi l’accointance des deux personnages. Dans un renversement de situation, la gitane, reconnaissable à sa peau brune et à ses cheveux noirs, est donc à son tour victime de la méchanceté du monde.

À travers ce thème, on voit se dessiner une image négative des gitans, charlatans doublés de voleurs, trop heureux de profiter de la crédulité de la jeunesse. Cette impression négative perdure encore longtemps dans l’imaginaire collectif des artistes.

Ce n’est qu’au XIXe siècle que se développent les premiers portraits individuels. La belle gitane devient, à l’image de l’odalisque, une figure exotique sur laquelle se cristallisent les rêves érotiques de la bonne société du Second Empire. Pour les artistes du XXe siècle, le fait de représenter des gitans, et plus encore des gitanes, devient une marque de liberté témoignant de leur capacité à s’intéresser aux marges de la société et à s’inscrire dans les avant-gardes.

D’autres thèmes à explorer pour les curieux !

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