Chronique anti-girly #25 – Comme toutes les petites connes ?

17 mai 2013
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« Comme toutes les petites filles »

Rétrospective Demy oblige, on se retrouve à entendre, plus que de coutume, des remarques désobligeantes. « Quand j’étais petite, j’étais amoureuse du prince de Peau d’âne… comme toutes les petites filles ! » « Avec ses robes de princesse, Demy a vraiment fait rêver… toutes les petites filles ! » « Avec ma sœur, on chantait « Nous sommes deux sœurs jumelles »… comme toutes les petites filles ! » À croire que Jacques Demy n’a fait de film que pour toutes les petites filles. À oublier qu’il a voulu réaliser Peau d’âne en se mettant à la place du petit garçon qu’il avait été.

Ce « comme toutes les petites filles » est un horrible cliché. Il voudrait faire croire que toutes les petites filles sont pareilles.
Des plus dangereux. Il crée un modèle unique, un moule obligatoire, dans lequel il faut se forcer à rentrer sous peine de se voir destituée du genre féminin. On n’aime pas le rose ? Mais on n’est pas une fille ! On a de petits seins ? Mais on n’est pas sexy ! On n’a pas de shampooing ? Nan, mais allô…

Ce « comme toutes les petites filles » est aussi un énorme aveu de faiblesse. Il veut faire croire qu’on n’a pas eu le choix.
Des plus irresponsables. Il empêche de s’assumer. Est-ce si difficile d’avouer qu’on croyait au prince charmant ? Est-ce si honteux d’aimer une robe dorée, le vernis à paillette ou les barrettes à fleurs au point qu’il faille rallier à soi toute la gent féminine pour gagner un peu en crédibilité ?

Servilité de la cervelle

Et si c’était le contraire qui s’opérait ? Si rameuter à chaque fois l’ensemble des petites filles de la terre à ses moindres caprices ne contribuait pas à décrédibiliser, à contraindre, à rabaisser la femme en général ? Pas étonnant qu’on en arrive au fameux « toutes les mêmes »
Et sans qu’on s’en rende compte le « comme toutes les petites filles » se transforme insensiblement en « toutes des salopes ». Après tout, hein, ce n’est qu’une question d’habitude.
Tant qu’on considérera que certaines affaires sont méprisables parce qu’elles sont des trucs de filles, on méprisera les filles tout court. À chacune d’assumer ses goûts pour ce qu’ils sont et non comme des travers ou des lubies, éternelles preuves de la futilité de la femme et de la puérilité de sa personnalité.

En 1750, déjà, sous la plume de Marivaux, les femmes protestaient :

« Hé ! que voulez-vous ? On nous crie dès le berceau : vous n’êtes capables de rien, ne vous mêlez de rien, vous n’êtes bonnes à rien qu’à être sages. On l’a dit à nos mères qui l’ont cru, qui nous le répètent ; on a les oreilles rebattues de ces mauvais propos ; nous sommes douces, la paresse s’en mêle, on nous mène comme des moutons. » 

Plusieurs centaines d’années plus tard, ne serait-il pas temps que cesse « cette moutonnerie » ?

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