Chronique anti-girly #21 – Héros : super ou ordinaire ?

4 février 2013
Par

Il y a les héros avec cape et collants. Et puis il y a les moins reconnaissables.
Ceux qui font rêver. Et ceux auxquels on ne pense jamais.
Ceux qui sont secrètement amoureux de l’héroïne qu’ils ont sauvée d’une chute de trente étages. Et ceux qui ont aussi rencontré leur compagne au boulot, mais du côté de la machine à café.
Ceux qui ont un ennemi juré. Et ceux qui n’ont pas conscience de combattre.
Ceux qui arrivent toujours quand on les appelle. Et ceux qui font avec leur métro-boulot-dodo.
Ceux qui doivent sauver le monde. Et ceux qui font avancer le monde.

Les héros ordinaires, ce sont ces Blancs américains qui n’ont pas accepté qu’il y ait des emplacements interdits aux Noirs. Ce sont ces hommes qui étaient pour le droit de vote des femmes. Ce sont ces hétéros qui défendent le mariage pour tous. Les héros ordinaires, comme les super héros, sont ces gens qui, a priori, n’ont rien à y gagner. Surtout, ce sont des gens conscients qu’ils n’ont rien à y perdre.

On ne le dit pas assez souvent, mais il existe des hommes qui ne partagent pas les tâches ménagères : ils les prennent en charge. Des hommes qui cuisinent à la maison, tous les jours. Des hommes qui savent faire tourner une machine à laver et séparer blanc et couleurs.
Et l’on ne parle pourtant pas ici des hommes qui vivent seuls ou entre eux. Mais de ces hommes qui ne s’empêchent pas de faire des choses au seul prétexte qu’un homme ne devrait pas faire ça. Des hommes qui pleurent aussi. Des pères qui laissent leur fils faire de la danse parce que ça lui plaît, leur fille de la boxe. Des hommes qui assument l’expérience sexuelle de leur femme. Des hommes qui ne se sentent pas menacés par ses rêves et ses ambitions. Des pères qui font des câlins à leur bébé. Des hommes qui passent le volant à leur femme. Des pères qui font des purées, qui donnent à manger et qui changent les couches. Des hommes qui prennent soin de leur corps pour plaire à leur femme. Des hommes qui lui font confiance, qui se livrent à elle, partagent leurs doutes et estiment ses conseils. Des hommes qui estiment leur travail aussi important que celui de leur femme. Des hommes qui acceptent de gagner moins qu’elle. Des hommes qui prennent du plaisir à en donner. Exploit.

Être un homme libéré, tu sais, c’est pas si facile

On rigole, mais ces petits riens semblent tellement insurmontables pour nombre d’hommes – et de femmes, qui ne peuvent pas non plus concevoir cette liberté pour eux comme pour elles – que, oui, il s’agit d’un exploit. Être un homme libéré, c’est pas si facile.
On ne naît pas homme, on le devient.
Pour réussir cet exploit, ces hommes doivent faire face. Faire face au monde et faire face à eux-mêmes.
Le monde, ici, ce n’est pas la société dans ses grandes largeurs. Cet héroïsme du quotidien touche à l’intime. Ce qu’il y a dans la maison une fois qu’on a fermé la porte. Le monde auquel font face ces hommes, ce sont les proches, c’est la famille, c’est Madame. Comment se positionner face à un pote qui estime que se lever tôt le dimanche pour s’occuper des gosses et laisser dormir l’autre parent est une obligation féminine ? Que faire face à un père qui trouve que son fils le déshonore en faisant la vaisselle ? Que faire face à une épouse qui pense son mari incapable de veiller un enfant malade ?
Et puis il faut faire face à soi-même. À ses doutes. À l’image qu’on a de soi. À l’image que l’on renvoie. « Je suis meilleur que mes potes. Et, en même temps, pour qui ? pour quoi ? Pour elle ? pour moi ? pour mes enfants ? » Vaste question. Mais sûrement pas une question de combat pour l’égalité ou quoi. On est dans le quotidien, là. Pas dans l’engagement, pas dans les idées. On est dans le concret. L’éponge à la main.
Pas celle qui effacera d’un coup des siècles de machisme. Mais celle qui accomplit jour après jour ces gestes qui changent la vie. Cette main qui ouvre une porte.

Pour l’instant encore, il s’agit d’un exploit, oui. Vivement, bien sûr, que ça se banalise. Pour elles, pour eux. Le jour où ces hommes ne seront plus des héros, où ces attitudes ne seront plus des exploits, ce sera la vraie victoire. N’empêche. Tant qu’on aura des précurseurs, il faudra les saluer. Que ce numéro spécial Héros & Héroïnes soit l’occasion de leur rendre hommage et de remercier les héros du quotidien.
Ils ont bien mérité le repos du guerrier. Le repos du vrai combattant. Parce qu’en plus, oui, c’est grave sexy, un féministe qui s’ignore. Et au fond de son lit, une sacrée veinarde s’endort.

Tags: , , , , , , , ,

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Suivez-moi sur Hellocoton
Retrouvez Fauteuses sur Hellocoton