#23 Spring Breakers, à la lumière des jeunes filles en (l)armes

15 mars 2013
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Spring Breakers
est un ovni. Un poème. Une parabole.

Ce n’est pas par hasard que l’un des personnages principaux s’appelle Alien – Ah, James Franco et ses dents en or… –. Le film transporte son spectateur sur une autre planète.
Une planète en même temps si proche. Il y a du Drive dans Spring Breakers. Une esthétique héritée des années 80, avec un goût pour le fluo – Ah, cette ficelle de maillot de bain qui s’agite en cadence dans le dos des héroïnes au rythme de leur marche… –. Des anges examinateurs, au costume aussi inhabituel et beau que ridicule. Il y a du Drive, du Terrence Malick et du Kaboom dans cette planète.
Et en même temps si parfaitement barrée qu’elle ne peut que cacher autre chose.

Une planète héroï comique 

Le mélange des registres a de quoi étonner et déranger. Les personnages sont à la fois comiques et héroïques et le discours se fait aussi bien lyrique qu’épique. Spring Breakers peut passer d’une scène de danse les bras en couronne sur du Britney Spears joué au piano à queue à une attaque à main armée en maillots de bain et cagoules, avec (et pourquoi pas ?) une séquence horro-érotique sur un kingsize bed matelassé de billets verts. On ne pourrait pas laisser le spectateur plus perplexe devant un tel patchwork.

Un scénario chorégraphié

Et pourtant. Et pourtant la sauce prend. On se réjouit justement parce qu’on ne sait pas à quoi s’attendre, parce que le film force le spectateur à se laisser porter. L’absence de genre bien défini entraîne une absence de conventions. Pas de règles à suivre, puisque le film n’appartient à aucun cadre préexistant. La tension est parfois extrême. Très vite, on comprend que tout peut arriver et sûrement pas de l’habituel. Très vite, on se dit que ça va mal finir, que ça ne peut pas bien finir. Ou si ? Peut-être ? Mais, dans un film pareil, c’est quoi, bien ou mal finir, en fait ?
Le scénario donne comme un goût de magique. Qui est le héros de l’histoire ? On serait bien incapable de le dire. Alien ? Les quatre jeunes filles ? Trois d’entre elles ? Deux ? Tous les cinq ? Et pourquoi pas. L’histoire n’est pas celle de protagoniste(s). Elle est au-delà. L’histoire n’est pas un but en soi. Et Spring Breakers montre qu’on peut secouer le spectateur avec plus que des rebondissements. Oui, le scénario suit une route sinueuse, avec des virages glissants, voire en épingle. Le fil de l’intrigue ondule, danse et le scénario apparaît bientôt comme une chorégraphie.

Une réalisation poétique

Harmonieusement – le réalisateur ne se prénomme-t-il pas Harmony ? – accordées au script, les plans apparaissent par touches, se fondant les uns aux autres, ignorant le respect de la temporalité. De la même façon, les dialogues entendus ne correspondent pas nettement à l’image. Ils ne sont pas systématiquement prononcés en même temps que l’image, apparaissant presque comme des voix off. La réalisation n’est pas dans l’instant. Les plans reviennent, comme des refrains. Berçant la narration par des annonces ou des retours.
Le film semble écrit comme un poème, contemplation gorgée de figures de style toutes plus colorées les unes que les autres. Les images rythment le film par des échos qui résonnent et riment en impressions rétiniennes.

Un casting angélique et subversif 

Pour incarner ses héroïnes adolescentes, le réalisateur, ne pouvant plus engager Britney Spears elle-même, trop âgée, a sollicité d’actuelles icônes de la jeunesse comme Vanessa Hudgens et Selena Gomez. Ces jeunes femmes, et avec elles Ashley Benson et Rachel Korine (l’épouse du réalisateur), ont eu bien raison d’accepter ces rôles. Subversifs pour d’anciennes Miss Disney ? Sans doute. Être subversif semble être le dernier souci du film. L’adolescence est subversive. Faire un film d’adolescents rangés serait un vrai teenmovie subversif. Mais Spring Breakers n’est pas un teenmovie. Si c’est une œuvre sur l’adolescence, aussi, sans doute, ce n’est pas un film destiné aux adolescents. On n’a qu’à écouter ceux qui sortent à la fin du film : « J’ai rien compris. »

Une parabole girl power 

Et ils ne sont pas les seuls. Le film, les scènes, les dialogues se dessinent comme une parabole. Et l’œuvre apparaît comme un message à déchiffrer. Toutes les paroles prononcées sont à double sens. Dès l’ouverture, un prêtre prévient : à chaque tentation, Dieu offre une échappatoire possible. Toujours. Quelle échappatoire ? Une façon d’y échapper ou d’en réchapper ? Le film apportera d’une certaine façon les deux réponses.
Sur cette planète, les filles prennent le pouvoir. Littéralement. Ce sont elles qui décident. De tout. De se foutre à poils ou pas. De foncer ou de reculer. Quel que soit leur choix, c’est le bon, parce que c’est le leur. Leur Spring Break se transforme progressivement en une longue descente aux enfers qui prend des allures de résurrection (Le printemps – spring – est bien la saison du renouveau, de la renaissance). Chacune décide de continuer ou de s’arrêter, au moment qu’elle choisit. Et à aucun moment le film ne prend parti pour l’une ou l’autre. Chacune vient rompre avec un chemin tout tracé pour elle. Chacune est un Spring Breaker. Elles ne viennent pas faire une pause au printemps, mais bien rompre, briser, détruire, fracasser, éclater. Et peut-être mettre fin à l’image printanière et primesautière de la jeune fille en fleurs. Ou pas.

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