#23 Hors saison

15 mars 2013
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De la terre des cailloux des obstacles de la boue. Les cèdres majestueux fermement enracinés sont d’aplomb. Ils ont creusé les strates pour certains depuis des siècles. C’est la fin de l’hiver. Les feuillus sont nus. Aussi nus que mon regard fixe sur leur cime me démunit. Dans la forêt du Moyen-Atlas au Maroc, la terre est meuble, la végétation danse les cycles de l’éternelle régénérescence. Pour l’instant. Mes semelles qui-résistent-à-tout-partout (m’a garanti le vendeur) foulent sans relâche le sol boisé. Le limon s’y amoncelle sans autorisation particulière. Toute puissance tellurique j’abdique. De violentes bourrasques pénètrent le coupe-vent. Des heures durant, j’arpente les sentiers souvent battus bientôt vaincus. Les cèdres sont tagués d’un numéro fluo, leur heure est proche. Gouraud le sait il y a longtemps qu’on lui a coupé l’herbe sous le pied. Il est grisonnant et trône au milieu du terrain aplani qui accueillent les touristes et les locaux comme l’indice rétrospectif du destin de ses pairs. Dans la forêt on y trouve entre autres des champignons, des arbustes, des haies et des grosses roches. À 1600 mètres d’altitude, personne ne flanche. Ni eux, ni moi. Je foule la glèbe sur une infime partie du globe magnifique. Fouille et cherche encore. Mais où se terrent-ils ? Quelle tour de passe-passe bien huilé les aurait dissimulés ? Le vent se lève, la neige grosse comme des shamallows s’abat sur les capuches et les têtes. La Terre ferait-elle partie du complot ? Il va bien me falloir les trouver. Je suis venue ici pour les voir les connaître les comprendre ! La couche arable se mélange à présent aux flocons. Mes pieds sont gelés et ils commencent à prendre l’eau (merci super-vendeur). Je traîne mon sac à dos lourd gonflée d’optimisme. Une colline après l’autre. Puis une pierre opportune accueille mon postérieur pour quelques minutes de répit. Souffler. Quadriller. Le plessage finalement ce n’est peut-être pas si mal. Brindilles et mousse ne pipent mot. Je deviens animiste et les regarde fixement, exigeant presque qu’elles me répondent. Sous ce climat hostile mais nécessaire, je grimpe trébuche roule dans toutes les directions. Et j’aperçois au loin une masse aux dimensions exactes, à la forme arrondie, nette, aux couleurs du désert crépusculaire. C’est ça. C’en est un ! Là juste là ! Je saisis le talkie-walkie et avertis ma binôme en hâte, en tentant de lui indiquer ma position (« si, tu vois, derrière la petite clairière face à la colline _ paroles prononcées en réalité en anglais, ma binôme étant canadienne, cela donnait plutôt ceci, « yes, you know the hill in front of the little area without any trees…» _. Kelly a trouvé. Elle sort ses jumelles à l’œil aussi aiguisé que les serres de l’aigle qui vient de s’abattre sur sa proie juste sous nos yeux. Fausse alerte, c’est un rocher. Encore et toujours un rocher. Je ne l’aurai pas cru avant de venir mais cette espèce est particulièrement douée en terme de camouflage. La recherche continue. Quelques kilomètres plus tard, une pierre beige sombre se met à bouger cette fois, des bras se détachent de l’ensemble et viennent gratter la neige pour atteindre le sol. Une masse plus petite saute sur son extrémité, puis d’autres petites masses rappliquent pour s’adonner à ce jeu. C’est bien eux ! Oui ils sont là ! Exaltation. Soulagement. La troupe de macaques est au complet. Imperturbable, Thumper (adulte mâle) balaie la neige pour y dénicher des mets de choix, tandis que les juvéniles tentent en vain de le déconcentrer. Tous les singes s’adonnent à leurs activités de singe, bien cachés en ce matin de fin mars. Il nous reste trois mois sur place pour les appréhender. La saison des naissances approche, ça promet !

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