Je hais le légume !

31 octobre 2013
Par

Cher lecteur, chère lectrice,

Je suis à bout. Au bord du gouffre. Que dis-je ? AU FOND de l’abîme du trou du précipice de l’écœurement.

Je n’en PEUX plus du légume, je honnis le légume. Je le déteste autant qu’une chenille processionnaire, qu’un déguisement de clown, qu’un ongle incarné, qu’une infection d’ongle incarné, qu’une opération d’ablation d’ongle incarné infecté.

Mais pourquoi tant de haine ? Comment en suis-je arrivée là ?

(Suspense, roulements de tambours, musique hitchcockienne)

Voilà l’affaire :

L’été dernier, alors que nous étions en vacances chez lui, mon beau-père a eu une illumination en mâchonnant une vieille carotte décongelée qui avait la substance d’une pieuvre dimorphe : il allait se lancer dans l’auto-production et avec la vigueur d’un cheval batifolant dans les herbes hautes, cultiver à la sueur de son front toute une ribambelle de légumes. Tomates, courgettes, aubergines et j’en passe… tout y serait : la totale, la ronde végétale dans toute sa splendeur, le must de la diversité agroalimentaire.

A l’annonce de cette merveilleuse nouvelle, j’ai bondi de joie : trop cool, j’allais enfin pouvoir me désintoxiquer du big mac au profit de vraies saveurs. Nous avons chaussé nos bottes ( si, si, j’y tenais. C’était top stylé avec mon mini-short) et en avant Guingamps. Nous avons planté au bas mot 423,5 graines parce qu’on le vaut bien. Je me suis investie comme une forcenée du légume, me pourléchant les babines à la perspective de la dégustation.

Puis il a fallu attendre, arroser, attendre, arroser, attendre, arroser : j’ai eu le temps de lire deux fois Le Seigneur des anneaux.

Mais malédiction, les aubergines et les tomates ne se sont jamais pointées. En revanche, c’était une invasion de courgettes. A mille lieux. Un champ de courgettes. Une peuplade. Un océan. Un continent.

Il a fallu ramasser, ramasser, ramasser.

Et… Ramasser, ramasser, ramasser. Mes bras se sont Hulkisés à mort. J’étais fière de participer à une telle aventure.

Au moment de goûter la Production (pompeusement P-majusculisée parce que faut pas déconner, c’était beau), j’étais extatique : je m’imaginais déjà dans un futur 100% légumes… J’apprendrais l’amour du cucurbitacée à mes enfants et ils m’en réclameraient pour le goûter.

Un délice, un régal, un pur moment de bonheur gustatif : la courgette fondait sous la dent, aussi suave qu’une voix d’ado te taxant 10 euros. Nous nous sommes tous copieusement congratulés : l’auto-production légumesque, c’était la vie, la vraie.

Mais dès le lendemain, l’ignoble cauchemar a commencé.

L’infâme spirale de la Courgette s’est mise en place :

A midi, nous avons mangé un velouté de courgettes. Le soir, un gratin de courgettes. Le lendemain, une salade de courgettes puis des makis de courgettes, des lasagnes aux courgettes, des smoothies de courgettes, du parmentier de courgettes, des lasagnes de courgettes. On a échappé de peu à la glace aux courgettes.

J’ai frôlé le désespoir le jour où j’ai vu sortir de la friteuse des frites de courgettes à la place de l’armée de potatoes bien huilées que j’espérais.

Vingt fois, j’ai cru mourir, mais à l’idée de finir sous un linceul de courgettes, j’ai renoncé.

Un soir, je me suis demandé si je pouvais me faire un shampoing à la courgette. J’ai compris à ce moment-là que mon cerveau était irrémédiablement courgettisé. J’ai rapidement sombré dans la haine du légume. Je marmonnais de vagues incantations anti-végétaux. Mon esprit malade concevait des plans de vengeance dans lesquels j’étranglais des légumes… L’heure était grave. Il était temps de fuir.

Ce que nous avons fait… avec 3,5 kilos de courgettes fourgué de force dans notre coffre. J’ai bien failli les balancer aux passants en roulant mais me suis abstenue. Merde. C’est moi qui les avais amoureusement élevée. Allais-je lâchement les abandonner sur l’A9 ? Non. Mais je me suis empressée d’en refiler un max aux amis, voisins et voisins d’amis à grands renfort de « Vous verrez ! Une fois que vous aurez goûté, vous ne voudrez plus manger que ça ! C’est teeeeeellement délicieux ! ». Une fois mon peloton placé en familles d’accueil, je me suis sentie libérée. Le joug végétal ne m’enserrait plus. J’étais LIBRE, comme Max.

Depuis cette aventure, j’ai retrouvé une vie normale.

Mais je dois t’avouer que le traumatisme est bien là : la haine est toujours présente… parfois encore, je rêve de légumes verts.

Je me réveille en sueur et m’enfile un petit burger surgelé, histoire de chasser mes vieux démons.

Cher lecteur, chère lectrice, que cette lettre te serve de mise en garde si un jour tu décides de produire tes tomates…

Bises et à très vite,

Phèdre

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One Response to Je hais le légume !

  1. Sand
    31 octobre 2013 at 16 h 56 min

    Quel brio Phèdre!

Répondre à Sand Annuler la réponse.

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