Voir Lille.
« Partir un jour, sans retour / oublier notre amour… » ainsi le poète pourrait-il commencer son ode aux voyages, célébrant dans la rime pauvre et l’indigente rythmique son goût pour l’ailleurs, les ruptures, l’oubli – indications métaphoriques de sa propre mortalité ?
J’ai une autre façon de voyager. Ou plutôt deux. La seconde consiste à photographier, c’est à dire à découper des tranches du réel pour en faire des images (processus qui n’est même pas trompeur, parce qu’il se soucie peu de la question de la vérité, de l’authenticité, de la fidélité). Il ne s’agit même pas d’images du voyage lui-même. L’ailleurs m’est comme l’ici, à peine plus loin. Je n’éprouve pas l’attrait de l’exotique. Ne m’intéressent que les images, avec leurs cadres, leurs luminosités propres, leurs esquisses de signification. L’acte d’aller n’est qu’une occasion, qui en aucun cas ne porte son propre sens.
Ma première façon de voyager consiste à ne rien couper, rien laisser derrière moi. L’acte d’aller n’introduit pas de césure dans la trame de mon existence. Parce que les lieux ne comptent guère. Y a-t-il d’ailleurs réellement voyage, s’il n’y a pas de point de retour fixe défini, de domicile définitif ?
Ces images ne constituent donc même pas un regard sur Lille. Il s’agit de simples regard à Lille, où je suis en voyage depuis quatre années bientôt - sans idée de retour vers un « chez moi » qui serait, à son tour, un ailleurs.
De toute façon, Lille n’existe pas. Il n’y a que des briques, les unes sur les autres.«
Cédric Chort est « photographe indépendent amateur autoproclamé ». Il collabore épisodiquement à Fauteuses de trouble comme photographe et plus régulièrement à Froggy’s delight comme chroniqueur.
http://www.cchort.fr/
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