#Étés 2012 – Pauline et Charlotte en vacances : être ado, l’été, au cinéma

1 juillet 2012
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Pauline et Charlotte ont presque le même âge (15 et 13 ans), à peu près au même moment (le début des années 80), sont toutes les deux en vacances, mais tout semble les séparer.

Pauline, dans Pauline à la plage d’Eric Rohmer (1983), passe ses vacances sur la côte normande avec sa cousine plus âgée et récemment divorcée, Marion, styliste parisienne. Milieu plutôt aisé, donc, et absence totale de parents donnent à l’adolescente une liberté de ton et de mouvement dont découle une maturité étonnante pour son âge : observatrice des relations amoureuses que tisse sa cousine, Pauline n’hésite pas à donner son avis sur l’amour et l’amitié de façon posée et réfléchie, souvent idéaliste, et apparaît plus adulte que les adultes perdus et volages qui sont autour d’elle.

Charlotte, dans L’Effrontée de Claude Miller (1985), commence ses vacances dans la petite ville du Dauphiné qu’elle habite et s’y ennuie en compagnie de sa jeune voisine malade, tout en rêvant à Clara Bauman, une jeune pianiste prodige de son âge. Un milieu ouvrier et populaire, un père veuf et une bonne à la fois autoritaire et bienveillante donnent un cadre naturaliste à l’histoire de cette jeune fille gauche. N’arrivant jamais à dire ce qu’elle veut dire, comme elle le répète souvent, Charlotte est l’image même de l’adolescente embarrassée de son corps et de ses sentiments : elle essaie, tant bien que mal, de se faire une place dans cette vie qui est quand même « vachement bizarre ».

Ces deux étés font bien sûr une place aux premiers émois amoureux et à l’apprentissage de la séduction. Alors que c’est Pauline qui, des deux adolescentes, est la plus sûre d’elle, c’est elle qui entretient la relation la plus banale, ou plutôt, la plus conforme à son âge, avec un garçon rencontré sur la plage. Charlotte, elle, est projetée dans un monde d’adultes qui lui échappe et qui ne lui est pas adapté : sa passion pour Clara est celle d’une jeune fille qui trouve tout moche et petit autour d’elle et qui rêve d’une vie plus belle, plus intense, plus romanesque ; sa relation avec un ouvrier plus âgé, Jean, marin au passé trouble, dont le regard de faune pervers transpire le danger et les désirs incontrôlables, est celle d’une adolescente flattée qu’on la regarde et qu’on fasse attention à elle. Tout est excessif chez Charlotte, tout est retenu chez Pauline. Deux scènes très proches rendent compte de cette différence. Chez Rohmer, il s’agit d’une scène où Pauline reste dormir chez l’amant de sa cousine et où celui-ci entrant dans la chambre alors qu’elle est endormie, commence à la caresser. Pauline se réveille, lui donne un coup de pied, il tombe et la scène finit en éclats de rire et en excuses. Chez Miller, c’est la scène où Charlotte se laisse entraîner dans la chambre de Jean et où il la saisit et tente de la violer. Elle se débat, s’échappe après l’avoir assommé avec une mappe-monde et arrive chez elle en demandant à son père si quelqu’un ayant été assommé peut mourir le lendemain. Dans un cas, la légèreté, dans l’autre l’angoisse.

L’adolescence chez Rohmer paraît simple, chez Miller plus compliquée, mais les deux cinéastes montrent le décalage qui existent entre ces jeunes femmes en devenir et l’existence autour d’elles. Le choix de l’été comme toile de fond est ainsi tout à fait signifiant, puisqu’il est, comme l’adolescence, un moment suspendu, entre-deux, à la fois exaltant et mortifiant et en décalage avec le rythme habituel. Avec leurs différences, ces deux films constituent deux visions touchantes, émouvantes, qu’on aime emporter avec soi et qu’on garde en tête comme le titre de variété italienne gai et insouciant qui rythme L’Effrontée.

La bande annonce de L’Effrontée

La bande annonce de Pauline à la plage

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