Jusqu’au dimanche 8 mai, la Guyane est à l’honneur à Paris. Demain, mercredi 4 mai, aura lieu un défilé touloulou. Un défilé touloulou, qu’est-ce que c’est ? Les Fauteuses laissent la parole à leur envoyée spéciale en Guyane : Vérhododendron.
Le samedi 5 mars 2011, j’ai fauté
Où : à Cayenne, Guyane française
Quand : pendant le carnaval
Comment : SOIREE TOULOULOU où seules les femmes sont déguisées pour pratiquer les danses carnavalesques avec les partenaires qu’elles choisiront, profitant de leur anonymat jusqu’au bout de la nuit.
Le complot a débuté la veille : il faut d’abord trouver l’outil indispensable : un costume, le but étant d’être déguisée et masquée de telle manière que l’on ne voie pas le moindre centimètre carré de peau. Pour trouver un costume, c’est assez simple puisqu’il y a des annonces dans tout Cayenne proposant des robes à louer pour tous les budgets, de vingt à une cinquantaine d’euros en moyenne.
C’est donc, avec quatre complices, que nous nous dirigeons vers Madame X qui en loue une quarantaine dans le secret professionnel. Ce moment est un vrai régal, on voit défiler devant nous toutes sortes de modèles assez kitsch avec dans l’ensemble une forte tendance pour le brillant. Devant les modèles qu’on nous propose, je flashe : j’ai trouvé LA mienne ! Elle a le même patron que la plupart : une jupe à volants et un haut à manches longues et à froufrous qui s’accroche dans le dos grâce à une fermeture éclair, mais surtout elle est née d’un métissage entre un tissu plastifié rose et une série de broderies noires. En somme, elle est parfaite ! Elle est accompagnée, bien sûr, de ses petits gants roses, d’une cagoule rose, d’un fichu rose et doré, d’un petit chapeau rose à fixer par dessus le fichu, d’un loup noir et d’un loup rose à superposer. Il ne me reste qu’à fournir la paire de collants et les chaussures. Me voilà fin prête !
Nous repartons donc toutes les quatre ravies de nos trouvailles qu’il faudra cacher aux yeux des mâles jusqu’au lendemain soir.
…..La nuit se passe tranquille……
Gare aux jaloux ! Gare aux malignes !
Samedi 19h, l’heure de se séparer des hommes qui vont passer le reste de la soirée entre eux, rongés par le doute. Gare aux jaloux ! Certains ne savent même pas que leurs conjointes se rendront à la soirée. Gare aux malines !
Je retrouve cette fois une dizaine de copines pour siroter un planteur en mangeant un gratin de papayes. Une fois le repas englouti et un nouveau verre de carburant entamé, les préparatifs commencent…
Tout d’abord, on se noircit bien tout le contour des yeux pour que la couleur de peau ne nous trahisse pas à travers le loup. Puis il faut enfiler, les collants, la jupe, la veste, la cagoule, le premier petit loup, le deuxième loup décoratif, le fichu, le chapeau, les gants et les chaussures !
À minuit, nous voilà prêtes !
Nous montons complètement masquées à bord de nos bolides, cap sur le dancing Polina, un des deux dancings de Cayenne !
À l’arrivée sur le parking, nous croisons deux amis, nous passons à côté l’air de rien, quand une copine m’appelle « Véro ! Attends ! » La gaffe… Heureusement, ils n’ont pas entendu et je continue à me pavaner, sereine.
À l’intérieur, la salle est noire de monde ! Ce soir, ce sont « Les Mécènes » qui animent la soirée.
« Touloulou va bien? »
Au milieu, les couples dansent collé serré la biguine et la mazurka coupées de « piqué piqué » : les deux danseurs donnent des coups de bassins en même temps, rebondissant ainsi l’un sur l’autre dans un mouvement très connoté….
Autour de cette masse dense et dansante, les hommes attendent. Et ils n’attendent pas simplement, ils frétillent, se montrant sous leur meilleur profil pour être choisis. Mais les touloulous les font languir, nous sommes fières de détenir ce pouvoir le temps d’une soirée. Je passe devant des têtes connues mais pour la première danse, je choisirai un inconnu qui m’a l’air plutôt bon danseur. Bingo ! C’est l’as de la biguine !
Le morceau terminé, je pressens que je vais finir complètement cuite à la vapeur empapillotée dans mon costume mais l’heure n’est pas au confort et je m’en vais inviter un ami qui trépigne.
J’essaie au maximum d’éviter son regard, il m’emmène sur la piste en me demandant « Touloulou va bien? ». Instant de panique. J’expire et lui lance un « Oui, très bien ! » avec une voix de dessin animé et je commence à pouffer sous mon loup, la soirée commence bien. Et la soirée suit son cours : on se retrouve vers le bar avec les copines touloulous pour siroter un verre à la paille (bien évidemment) et faire le débriefing de nos filouteries. Puis l’appel de la musique nous entraîne à nouveau sur la piste dans une spirale de danses…
….
Ting ! Vers 4h du matin, je suis à point ! Enivrée par le tournis de la biguine, la chaleur sous le masque, les bières bues à la paille, l’heure du retour a sonné.
Heureusement, je me fais ramener par une amie. J’arrive à la maison, groggy, les clefs rentrent du premier coup dans la serrure, ouf !
Le seul obstacle qu’il me reste à affronter est l’effroyable fermeture éclair qui se situe dans mon dos !!
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