Un numéro sur les fesses se doit de parler de leur hôte si particulier : l’anus. Il est le trésor de la cathédrale, le saint des saints. On parle beaucoup de ses fesses mais qui parle librement de son anus ? Personne ou du moins pas à moi. Pourtant, il en tracasse du monde ce petit trou. Essayez dans la conversation d’évoquer sur le mode pathético-médical une douleur cuisante, une démangeaison suintante, parlez de votre anus et vous allez voir comme les langues se délient facilement. Vous allez vite connaître (et regretter dans le même temps) les pathologies anales de vos convives !
Les publicités utilisent des moyens détournés pour évoquer celui que Rimbaud nommait « la flûte câline »*. La crise d’hémorroïdes, c’est un tabouret qui danse en hurlant de douleur, le papier toilette doit servir à ne pas s’en mettre plein les mains car il est résistant et son parfum nous libère de l’ odeur. Le héros de l’histoire devient le méchant et reste tapi dans l’ombre comme un bandit sournois.
Pourtant, dans des siècles pétris de morale religieuse, il a été chanté, rimé, glosé !
Souvenez -vous, le torche-cul inventé par le jeune Gargantua est un hymne au soin que l’on doit à notre « boyau culier ». Fier d’avoir découvert le moyen le plus royal de se torcher le cul, le garçon énumère devant papa Grandgousier tous les objets qu’il a expérimentés pour rendre la tâche agréable : chapeau, chat, foin, pantoufle, panier etc … Et il décrit les effets de chacun jusqu’à parvenir au Walhalla du torche-cul que je vous laisse découvrir en vous ruant, dès la fin de l’article, sur votre édition de Gargantua ( Chapitre XII, je vous aide ). Je vous aguiche juste avec un échantillon du texte, il s’agit d’un poème que Gargantua a entendu chanter par une grande dame de la cour. « Des latrines s’adressent à leurs fienteurs » :
Chiard,
Foirard,
Pétard,
Breneux,
Ton lard
Fuyard,
S’égare
Sur nous.
Dégueu,
Merdeux,
Goutteux,
Le feu de Saint Antoine t’embrase
Si tous
Tes trous
Bien clos
Tu ne torches avant ton départ !**
Cool, non ?
Un peu plus tard, Rimbaud et Verlaine ont composé Le Sonnet du trou du cul, où ce dernier est poétiquement désigné comme « une olive pâmée », c’est l’endroit d’où sort « la céleste praline ». Moins grivois que Rabelais, les deux amants s’en donnent à coeur-joie, même si le coeur n’est peut-être pas le premier lieu de leur plaisir. Et le sonnet si précieux devient l’étui idéal d’un hôte qui lui est peu commun : le trou du cul.
Alors, aujourd’hui, mesdames poétesses et messires poètes, où est-il cet anus ?
Avez-vous perdu vos rimes en -us ? Alors en voilà quelques-unes : bonus, tonus, plus, Petrus, jus (dites « anu »), bus, cactus, phallus, Vénus …
Je vous invite, chers lecteurs fauteurs et chères lectrices fauteuses, à composer l’éloge de cette petite part de nous même dont nous aurions tant de mal à nous priver, et, à le poster en commentaire de cet article.
Le meilleur sera publié et qui sait passera à la postérité (sans jeu de mots) du moins, il restera dans nos annales !!
* »Sonnet du trou du cul« , Les Stupra, La Pléiade.
** Gargantua, Rabelais, traduction de Marie-Madeleine Fragonard, édition Pocket 1992
C’est quand elles ne fonctionnent plus
Qu’on se rend compte à quel point
Révérence doit être due
Aux fesses et culs du genre humain.
Le cul est au centre du monde
Il vous permet de vivre bien
Plates,grosses, minces ou rondes
Soyez fiers, criez le matin
« J’aime mon cul ! Il me le rend bien ! »
Le trou du cul du monde
Blotti entre les collines de la lune et le Mont de Vénus
Peut-être eut-il fallu que tu connusses
Un refuge un peu moins saugrenu
Pour afficher les charmes et les vertus
De l’intimité de Bérénice, ou même celle de Titus,
Et qu’enfin on admette avec consensus
Que de tous les orifices, le plus compétent, c’est l’anus.
(…ça vaut ce que ça vaut, j’ai fait ça vite fait…hihihi)