#6 Vers une dichotomie du plaisir et de la nutrition ?

15 avril 2011
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Une publicité d’une barre chocolatée apparaît sur mon écran de télévision. On me vante tout le plaisir que je vais prendre en consommant cette douceur mais, dans le même temps, un message du PNNS[1] (Plan National Nutrition Santé) défile au bas de mon écran « Pour être en bonne santé, mangez 5 fruits et légumes par jour ». Mon envie de chocolat s’est estompée instantanément !

©Marguerite Tournesol

La médiatisation des régimes mais aussi les campagnes de santé de plus en plus moralisantes nous donnent la désagréable sensation que, dans notre alimentation, seulement deux choix sont possibles :

- Les légumes vapeurs

- Le gras et le sucré

Il est vrai, c’est un peu exagéré ! Mais la situation actuelle est tout de même assez proche de cela ! Souvenez-vous de la chanson de Pandore : « plume enclume, je ne sais plus qui je dois être, société tu dessines mal ma silhouette. Tu attises mon appétit mais tu entretiens mon anorexie.»

Bien se nourrir semble donc de plus en plus aux antipodes d’une démarche de dégustation ! Comme le souligne Karen Montagne : « aujourd’hui nous assistons à un déplacement du plaisir, plus de référence à la saveur, le corps est seule source de plaisir : beauté et minceur suffisent à satisfaire l’estomac »[2]. En effet, il n’y a qu’à voir les recettes miracles et les régimes qui apparaissent dès que l’été pointe le bout de son nez ! La minceur et le contrôle semblent être les uniques objets de satisfaction dans l’alimentation, la gourmandise ne fait que des apparitions furtives et elle est toujours présentée comme des instants de faiblesse.

A force de condamner cette gourmandise, de moraliser les gens, de ne faire référence qu’à la nutrition, on se retrouve avec tout un ensemble de la population qui ne sait plus se nourrir. Le fameux effet yo-yo : je fais un régime, je compense (je craque !), je grossis, je refais un régime… Un cercle vicieux sans fin ! En ramenant tout à la nutrition et à la culpabilisation, les politiques de santé publique et, plus largement, la société, créent de nouvelles formes de déstructuration alimentaire ! De plus en plus, l’alimentation devient un ensemble d’allégations et d’injonctions comme si manger un éclair chocolat était hautement nocif ! Le sociologue Jean-Pierre Corbeau nous dit à ce sujet : « opposer le plaisir à la « régulation sociale » de nos comportements n’est pas pertinent. Une telle posture n’est que l’expression de visions du monde puritaines pour lesquelles le plaisir est incompatible avec la surveillance et le contrôle de soi. Le plaisir ne conduit pas forcément à l’excès, il est conciliable avec la santé, il lui est même nécessaire si on considère la santé mentale. »[3]

En somme, pour bien manger il faut prendre du plaisir ! La meilleure solution pour se réguler ne serait-ce pas de faire confiance à son palais et à sa sensation de satiété ?

[1] Le 1er PNNS en 2001 : « vise à améliorer l’état de santé de l’ensemble de la population, en agissant sur l’un de ses déterminants majeurs, l’alimentation. »

[2] Nourrir de Plaisir. Les cahiers de l’OCHA n°13 sous la direction de Jean-Pierre Corbeau

[3] Ibid

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One Response to #6 Vers une dichotomie du plaisir et de la nutrition ?

  1. 9 mai 2011 at 14 h 06 min

    Il faut prendre du plaisir même avec des légumes ! Source de jouissance pour qui sait les admirer et les déguster ; la couleur est le premier plaisir dans l’assiette… On peut faire light et gourmand à la fois :)

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