#4 No Man’s Land : Dan Ziemkiewicz, photographie organique et nus masculins

5 mars 2011
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©Dan Ziemkiewicz

Dan Ziemkiewicz vit et travaille à Ottawa. Il prépare actuellement une exposition, No Man’s Land, consacrée aux nus masculins pour la galerie La Petite Mort. La galerie avait accueilli quelques-unes des photographies de ce projet en décembre dernier, lors de l’exposition de Justin Violini et présentera l’exposition No Man’s Land le vendredi 11 mars 2011, à partir de 19h. En attendant le compte-rendu de cette exposition où deux modèles masculins nus seront présents et prêts à être « croqués » par les visiteurs invités à les dessiner, voici l’interview que Dan nous a accordée.

Luise Yagreld. Qui es-tu ?
Dan Ziemkiewicz. Juste un gars qui aime les expériences organiques. Je joue au rugby, j’aime la musique, rencontrer du monde et j’ai une grande passion pour la photographie. J’apprécie particulièrement la photographie de mode, mais j’adore créer des choses plus artistiques. Au lycée, en cours de photo, j’étais le chouchou du prof, qui réussissait, je ne sais comment, à rendre ce cours amusant. J’avais l’habitude de passer tout mon temps entre midi et deux dans la chambre noire et je prenais des pellicules supplémentaires pour faire des photos de mes amies le week-end.

©Dan Ziemkiewicz

LY. Ton projet No Man’s Land est très différent de tes photos de mode. Comment l’idée t’es venue ?
DZ. L’idée est née de manière organique. Je voulais photographier des nus masculins ; de la première à la dernière photo, le concept s’est de plus en plus précisé. Par exemple, sur la première photo on voit le visage du modèle et la lumière n’est pas aussi dramatique qu’elle l’est devenue au fur et à mesure du projet. Dans l’avancée du projet, le fil conducteur semblait consister à trouver la féminité dans le corps masculin et capturer les paysages que celui-ci propose. Dans mon travail en photo de mode, je pense du point de vue de celui qui va regarder les photos, alors que dans ce projet, il était seulement question de ce que j’avais envie de voir. C’était une aventure purement égoïste.

©Dan Ziemkiewicz

LY. As-tu eu des influences pour ce projet ?
DZ. Mon unique influence fut les modèles eux-mêmes. Quand je fais de la photo artistique, j’aime trouver l’inspiration de l’intérieur et travailler de manière organique. Je n’avais aucune idée précise, aucune attente particulière pour chacune des séances.

LY. Je trouve que tu réussis dans ces photos à éviter les clichés « gays » autour de la nudité masculine. Mais penses-tu que ton homosexualité a pu influencer ta vision de la nudité masculine ?
DZ. Eviter les clichés gays à propos de la nudité masculine était quelque chose d’important pour moi. Je trouve que la représentation du corps masculin est tendue entre deux extrêmes : d’un côté il est hyper-sexualisé, de l’autre il est assez peu célébré pour sa beauté. Le corps masculin est beau à regarder : les formes et les ombres qu’on peut y trouver font souvent défaut quand on regarde des représentations de nus masculins. Je voulais que les gens voient la beauté de ces corps et je voulais attirer tout le monde et pas seulement, en tant qu’artiste, la communauté gay. L’art s’adresse à tous et c’est ce que je me suis efforcé de faire.

©Dan Ziemkiewicz

LY. Comme j’ai découvert ton travail lors de l’exposition de Justin Violini à La Petite Mort, les questions suivantes sont les mêmes que je lui ai posées, car j’aimerais avoir ton avis cette fois.

LY. Comment les hommes réagissent-ils à ton projet ? Y a-t-il une différence entre la réaction d’un hétéro et celle d’un homo ?
DZ. Je n’ai pas eu la chance d’observer beaucoup de réactions à mon travail. Toutefois, je me souviens l’avoir montré à un hétéro : il m’a précisé qu’en tant qu’hétéro, lorsqu’il feuillette des publications gays, il va rarement jusqu’au bout, car les images d’hommes à demi-nus le mettent mal à l’aise. Pourtant, il m’a dit être parfaitement à l’aise en regardant les quelques 30 photos du projet No Man’s Land. Je voudrais ajouter que les hommes, qu’ils soient gays ou non, trouvent des choses semblables dans cette série : une beauté artistique dans le corps masculin.

©Dan Ziemkiewicz

LY. De manière plus générale, penses-tu que la nudité masculine est un tabou ou souffre d’être enfermée dans des clichés ?

DZ. Personnellement, je trouve que la nudité masculine est vraiment tabou et, à mon sens, ce qui en résulte, ce sont justement les clichés. Si on y réfléchit en tant que tabou, dès qu’il y a une possibilité de la montrer, il semble alors naturel d’en observer les limites. C’est comme quelqu’un qui meurt de faim depuis une semaine : dès qu’il va pouvoir avoir de la nourriture, il ne cessera de manger puis de vomir, simplement parce qu’il en avait envie depuis une semaine. Peut-être que c’est en ce sens que mon orientation sexuelle, et le fait d’être constamment assailli jusqu’à saturation par la nudité masculine, m’ont permis d’avoir un point de vue plus mesuré sur la nudité masculine et d’être capable de la célébrer et d’en trouver la beauté.

©Dan Ziemkiewicz

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