Le #4 Money Time traduit pour les hommes qui ne sont pas invulnérables

15 février 2011
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« C’est le Money Time, c’est le Money Time !… » Tels étaient les seuls mots qui sortaient de la bouche du commentateur exténué de France Télévision lors des dernières minutes de la finale des Championnats du Monde de handball qui a vu s’opposer la France au Danemark le 30 janvier dernier.
« Est-ce bien le moment de chantonner du ABBA ? s’étonna mon voisin d’une voix douloureuse tandis que je lui broyais consciencieusement la main tout en régulant ma respiration.
– Par tous les Saints, faites qu’il y ait bien quelque chose de pourri au royaume du Danemark ! lançai-je pour toute réponse avant de laisser échapper un « Skol Ofenstrü » navré sur le coup de sifflet de la soixantième minute.
– Puis-je récupérer ma main ? chuchota-t-il.
– Pas encore Ingmar, nous allons avoir droit à une seconde ration de Money Time ! », criai-je, désespérée mais confiante, sentiment au premier abord paradoxal, cependant bien connu des supporters hyperactifs.
Que le lecteur bienveillant se rassure et qu’il soit remercié de son infinie patience, à ce stade, j’ai bel et bien épuisé mes cinq blagues scandinaves imposées par la rédaction.

Money Money Money

C’est le franco-américain George Eddy, spécialiste du basket-ball pour Canal plus et Eurosport qui importe l’expression en France. Il désigne ainsi les derniers instants de la rencontre ou parfois plus largement le dernier quart-temps, instants où chaque passe réussie, chaque panier inscrit peut s’avérer décisif. Si le temps est de l’argent, alors les ultimes minutes sont précieuses, le but étant de passer devant l’équipe adverse de façon définitive, et de récolter ainsi les fruits de ses efforts.

L’expression s’est vite étendue dans le monde sportif au point qu’on la trouve utilisée aussi bien au football, qu’au tennis ou au handball. Au tennis, elle concurrence le « fameux septième jeu » qui voit le joueur prendre un avantage dangereux dans le set en cas de break ; au football, elle aura filé la métaphore avec l’instauration du « but en or » qui voit la partie s’arrêter net lors des prolongations dès qu’un but a été inscrit. Le Money Time, c’est la minute finale, celle qui fait vibrer, la 93e, celle où Zidane met un penalty contre les Anglais à l’Euro 2004 (ce qui pour être tout à fait honnête fut le seul coup d’éclat de cette campagne).

Ce 30 janvier, ce sont les Danois qui ont failli devenir les champions du Money Time. Menés au score de deux ou trois buts pendant les trois-quarts de la partie, ils parviennent à égaliser à 29 partout à la 57e minute, puis à 30 partout à la 59e. Nicola Karabatic s’élance et marque. 31-30. Plus que quelques secondes, un temps mort, une défense un peu rude et voilà le trente-et-unième but danois marqué à une seconde de la fin du temps réglementaire. Thierry Omeyer, le gardien français, évacue sa rage. Pause.

Les prolongations sont survolées par les Bleus. L’or choisit définitivement son camp.


« Nous, on est comme ça, on vient, on gagne et on s’en va. » © Didier Dinart, 2010

Depuis leur nouvelle victoire, les qualificatifs pleuvent. Ces hommes-là ont tout gagné, ils apparaissent sincères et sympathiques, insatiables. La dramaturgie de leurs matches est de plus en plus parfaite. Bien sûr, nous ne leur en aurions pas voulu s’ils avaient exulté dès la 60e minute… Mais toute l’émotion bienheureuse de la victoire était là, pour ces quelques secondes où nous avons douté. Dans le Money Time.

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