Fête du Têt : Merci le Tigre, bonne année le Chat !
Le jeudi 3 février 2011 est aussi le 1er janvier du calendrier lunaire traditionnel en Chine et au Vietnam. C’est alors l’occasion de célébrer le Nouvel An, et ce n’est pas une mince affaire ! C’est La grande fête traditionnelle au Vietnam, que l’on peut comparer à Noël chez nous. Elle a bien des origines religieuses, mais elle est vécue par tous les Vietnamiens, quelle que soit leur religion ou leur athéisme, comme l’événement de l’année.
Reportage par votre correspondante sur place (au Vietnam), illustré par les vitrines d’un grand magasin du centre d’Ho Chi Minh Ville (sponsorisé par Omo, merci Omo !)
Préparatifs
La célébration du nouvel an dure quatre jours, officiellement fériés, et s’accompagne de quelques jours de vacances, qui sont souvent les seuls de l’année. D’ailleurs la formule « Chuc Mung Nam Moi » se traduit aussi bien « Bonne année » que « Bonnes vacances ». C’est simple, la semaine du Têt, le Vietnam est fermé ! Ne comptez pas trouver un restaurant ou un magasin ouvert… Il s’agit donc de s’organiser en amont et d’avoir réuni suffisamment de denrées pour fêter dignement l’événement. Un mois avant déjà, on commence à sentir l’effervescence : étals qui regorgent, supermarchés bondés, prix qui s’envolent… Le gouvernement a même dû mettre en place un programme de stabilisation des prix spécial Têt. Bien sûr, plus on approche de la date, plus l’excitation grimpe. Et si vous avez dans l’idée de profiter de cette semaine pour partir en balade, c’est bien plus d’un mois avant qu’il faut vous y prendre ! C’est la grande migration en tous sens pour les Vietnamiens ! Fête familiale oblige, chacun retourne dans sa région d’origine. Or ces dernières années les populations se sont massivement déplacées des campagnes vers les villes. Lorsqu’il faut rejoindre sa terre familiale, c’est la razzia sur les transports et les hôtels. C’est au point que le standard de la compagnie ferroviaire vietnamienne a explosé le jour de l’ouverture cette année.
Les jours qui précèdent le 1er janvier sont denses. Dans chaque foyer, on se prépare. Il faut que tout soit impeccable : le ménage est fait, ainsi que les réparations ou rénovations qui s’imposent.
Vous remarquerez qu’on n’hésite pas à repeindre sa maison pour l’occasion. Il faut bien sûr soigneusement nettoyer l’autel des ancêtres, sur lequel on installe cinq fruits dans un ordre précis : la pomme cannelle, la noix de coco, la papaye, la mangue et la figue. Ces cinq mots forment alors une phrase, que l’on peut traduire par « priez pour que l’année soit prospère ». Plus surprenant pour un étranger: toutes les dettes doivent être payées. Il s’agit de se préparer le mieux possible au renouveau, et cela commence par une remise des compteurs à zéro.
Après le grand nettoyage, on passe à la décoration. Comme nous avons un sapin de Noël, le Têt a son arbre, un fruitier.
C’est en principe un pêcher aux fleurs roses dans le Nord du Vietnam, alors que le Sud est aux couleurs jaunes des fleurs de l’abricotier. Ces arbres sont supposés fleurir le premier de l’an, et si tel est le cas, alors les feuilles portent chance. Je me suis laissé dire que de savantes techniques sont mises au point pour que les arbres fleurissent le jour dit… Les jours qui précèdent le Nouvel An sont d’ailleurs l’occasion de superbes et immenses marchés aux fleurs, qui s’installent un peu partout et annoncent le printemps, première saison de l’année. Des sentences parallèles ornent les maisons : ce sont deux phrases écrites verticalement qui comportent le même nombre de mots-syllabes (le vietnamien est monosyllabique), et qui appellent la chance, le bonheur, la prospérité, la santé.
Enfin il faut préparer toute la nourriture qui sera nécessaire pendant trois jours, et surtout le plat traditionnel de la fête : le gâteau du Têt est composé de riz gluant et de haricots pilés, emballé dans des feuilles de bananier et cuit à la vapeur.
5, 4, 3, 2, 1, Bonne année !
Le soir du 31 décembre (soit le 2 février cette année) commencent les agapes. On attend paisiblement et en famille le passage à la nouvelle année. A minuit, un feu d’artifice est tiré, parce que c’est joli, et aussi parce que le bruit éloigne les esprits mauvais. Dans le même souci, dans les foyers on a bien pris soin de tout illuminer. On fait alors les offrandes aux ancêtres morts (fruits, encens…). On peut aussi aller à la pagode pour tirer sur une feuille de pêcher ou d’abricotier. Les parents et grands-parents font un discours et les vœux de bonheur sont formulés.
Les enfants reçoivent les petites enveloppes rouges accrochées aux branches de l’arbre, qui contiennent de l’argent, en dongs (la monnaie locale) ou en dollars (la monnaie prisée). Le plus apprécié est un billet de deux dollars, pour sa rareté (en effet, je ne savais même pas que cela existait !).
Le lendemain matin commence le rituel des visites. Le premier jour est dédié aux parents et grands-parents, le deuxième aux oncles et tantes, le troisième aux enseignants. Une variante propose : parents, amis, enseignants. Le vietnamien dit souvent que le premier jour de l’an est la fête du père, le second celle de la mère, le troisième celle de l’enseignant. Quoi qu’il en soit, un ordre est bien établi : on présente d’abord ses vœux du côté paternel, puis du côté maternel, enfin aux frères et sœurs en commençant par les plus âgés.
Pendant ces trois jours, on mange le gâteau du Têt ou du saucisson sucré (!), ainsi que d’innombrables friandises, on boit de la bière et de l’alcool de riz, on joue aux cartes et au loto (peu importe pourvu que ce soit un jeu d’argent), et surtout on ne travaille pas !
Pour un étranger, la métamorphose de la ville est stupéfiante : pas un chat dans la journée (alors qu’il règne d’ordinaire une effervescence indescriptible), et raz-de-marée le soir : tous sortent se promener en centre-ville admirer les illuminations et décorations grandioses des rues de l’hyper centre ville.
La lettre et l’esprit
Le premier jour de l’an est d’une importance déterminante pour l’année qui commence : tout ce qui se passe ce jour-là (et dans une moindre mesure les deux jours suivants) est censé influencer jusqu’au 31 décembre suivant. Il ne s’agit pas de se rater !* Par exemple, on ne doit pas parler de mauvaises choses de peur qu’elles se réalisent, on ne doit pas balayer si on ne veut pas que l’argent déserte le foyer toute l’année (ou alors, on balaye vers l’intérieur !), on doit porter de nouveaux habits aux couleurs claires, ou encore écrire quelque chose pour obtenir le succès dans les études. La première personne qui entre dans le foyer a une très grande importance : elle peut présager le bonheur ou le malheur, c’est selon.
Mais si ce strict protocole est toujours autant suivi aujourd’hui, les jeunes Vietnamiens avouent que c’est davantage pour la forme que pour l’esprit. Tous apprécient grandement ce moment de retrouvailles familiales et ce temps de repos. Mais les croyances sur la détermination de ces jours décisifs sont moins tenaces. Une approche plus philosophique prend le pas : le Nouvel An est l’occasion d’un nouveau départ, d’un renouveau, attendu avec impatience. Le moment de minuit revêt une haute signification, puisque le passé, le présent et le futur se rencontrent, et la soirée qui le précède est l’occasion à la fois de faire un bilan et d’exposer des projets. Les trois jours sont placés sous le signe de l’espoir, le désir et la conviction de réussir l’année qui commence sont immenses.
Bienvenue au Chat
Et l’astrologie dans tout ça ? Et bien, si je n’avais pas posé la question, il est à croire que personne ne m’en aurait parlé. Visiblement, ce qu’on nous vend comme le symbole du Nouvel An en occident n’est pas la préoccupation majeure des Vietnamiens. Pour me faire plaisir, on m’explique quand même que nous sortons de l’année du Tigre et entrons dans celle du Chat**. Est-ce que c’est un bon signe ? Les réponses restent floues. Le Chat, c’est un petit Tigre (oui, mais encore ?). Il est toujours doux, lent mais tranchant, discret et mobile. Le Chat est toujours bien sage, donc ce sera une bonne année! J’essaye d’en savoir plus, parce que je me rappelle soudain que je suis Chat… Pas de chance : quand on est dans son propre signe, ce n’est pas une bonne année, paraît-il. Bien, je ne me convertis pas tout de suite, alors !
* Quand on pense que pour beaucoup par chez nous, le 1er janvier est régulièrement un des plus mauvais jours de l’année suite à une nuit trop longue et trop arrosée… Bon.
** En Chine, cela correspond au Lapin ou au Lièvre.
Super,j’ai appris plein de choses!Bonne année du chat donc(moi aussi je le suis!)et bonne rentrée…!