Dans Chœur de femmes tsiganes*, Claire Auzias, spécialiste des Roms, donne la parole à toutes sortes de femmes du peuple tsigane. À travers leurs histoires, on retrouve une même liberté, celle du voyage, du mouvement. Portraits de Nouka et Mona, deux trajectoires.
Ce livre, s’il donne la parole à des femmes, n’a pas pour autant comme seul sujet la condition féminine tsigane. Il est une véritable fenêtre sur le monde des Roms, Gitans, Manouches, voyageurs, Yéniches… À la lecture de ces itinéraires personnels, on voyage. De France en Roumanie, en passant par l’Espagne, l’Algérie, la Tunisie, la Pologne… Les femmes de ce « chœur » parlent de la Seconde guerre mondiale, des examens gynécologiques, de l’hospitalité, de la peur de la police, des discriminations, de musique, de peinture, de religion, de l’école, de la langue, du génocide nazi, des relations entre tsiganes et payos, de militantisme, de misère, d’Internet, de chevaux, du communisme, de la tradition de brûler les affaires des morts…
Dans cette extraordinaire variété de parcours et de vies, ce que l’on retient peut-être en premier, c’est la liberté qui émane de la culture rom.
« Claire Auzias : Et maintenant vous êtes salariée. Ça vous a apporté quoi et enlevé quoi ?
Violette : La liberté.
Claire Auzias : Ça vous a apporté la liberté ou enlevé ?
Violette : Enlevé ! »
Bien que Violette reconnaisse que le salariat l’a rendue plus indépendante dans sa vie de couple, elle souligne la contrainte que représente la perte de la liberté de circulation. « Moi j’ai habité en appartement, mais c’est invivable, je ne supportais pas. J’ai essayé deux appartements, je n’y suis pas arrivée », ajoute Maria. Si certaines ne voyagent plus ou n’avaient jamais voyagé avant de se marier, comme Chehida, d’autres font du nomadisme, du voyage, du mouvement, l’essentiel de leur identité. « J’ai voyagé longtemps, depuis que je suis née (sourire radieux). Oui, j’ai été née [sic] en voyage, depuis vingt ans », dit ainsi Angélique. Une liberté ancrée dans des traditions pour Irène : « Donc nous, on avait un racisme envers les payos, c’est-à-dire les non-Gitans, et les payos, ils avaient un racisme envers nous, les Gitans, parce qu’ils vivaient pas comme nous. […] On disait qu’ils étaient attachés aux pierres. Que c’était pas bon. Et que nous, on n’était pas attaché aux pierres, on n’avait rien donc ce qu’on avait nous, c’était à nous, ça nous appartenait. Et on n’était pas attaché aux pierres. C’était pas ce qu’ils disent les payos, des pierres ! ‘‘Je me suis acheté une maison, je me suis acheté une voiture !’’ On était pas comme ça, nous. Si on avait une caravane, on la partageait ; si on était deux familles, on la partageait. […] Merci chez nous, ça n’existe pas ; si on le fait c’est normal. » Jusqu’à la liberté de Nouka : « Si j’y pense bien, je crois vraiment que le mot liberté est le mot de ma vie. »
Nouka et Mona
Nouka Maximoff est l’une de ces femmes hautes en couleur dont le souvenir reste longtemps après avoir refermé Chœur de femmes tsiganes. « Qui je suis moi ? Je suis une espèce de mélange », dit cette femme au parcours extraordinaire.
Son père, l’écrivain Mateo Maximoff, était un Rom de Russie, et sa mère, une bourgeoise suisse. « Elle lisait beaucoup de romans qui parlaient des Tsiganes, les beaux Tsiganes sur les routes, les fils du vent. Et dans son imaginaire, elle s’était fait toute une idée là-dessus. Un jour qu’une fête foraine s’est arrêtée près de chez elle, elle a plié bagages. Elle avait dix-neuf ans. Elle est partie avec la fête foraine. » En ménage avec un Yéniche, elle fait la danse des sept voiles à la fête foraine, mais son séducteur finit par la battre. Elle avait alors entamé une correspondance avec l’écrivain Matéo Maximoff ; en détresse, elle lui envoie un appel au secours. Il la recueille avec son bébé, dans un bidonville où on l’adopte… et Nouka est née. « On m’appelait ‘‘la Princesse’’, parce que quand j’allais chez ma grand-mère, elle m’apprenait les bonnes manières. Elle me faisait apprendre par cœur Le manuel du savoir-vivre de la parfaite jeune fille. ». Nouka grandit dans un bidonville parmi les tsiganes, puis à partir de ses douze ans, vit seule avec son père, séparé de sa mère, dans une maison : elle s’occupe de lui comme une véritable intendante (« Ce qui fait que l’argent de la maison partait beaucoup plus en bonbons qu’en steaks »), avant de partir de la maison à dix-sept ans, amoureuse d’un beau « gadjo ».
C’est 1970, l’époque hippie : tous les deux vont de squat en squat. « Quelque part, c’est vrai que ça me dépaysait pas, parce que ça me rappelait tout à fait les campements des Tsiganes ». Et c’est alors qu’elle tombe sur sa mère, devenue hippie elle aussi, « une égérie du mouvement psychédélique » (qui a ensuite eu sa période rock et cuir noir, sa période bouddhiste, sa période vampires…) ; « On est allé au festival de l’île de Wight, parce que Woodstock c’était trop loin ».
Puis, c’est la vie de famille rangée avec celui qui devient son mari, le travail de bureau dans les assurances (mais jamais plus d’un an et demi dans la même entreprise), avant que Nouka décide de tout arrêter pour faire des brocantes (« Enfin tu fais un vrai travail ! » lui dit alors son père). Enfin, elle est devenue conteuse. Une conteuse passionnée, et passionnante… Elle évoque la langue romani, les traditions orales, et son identité toujours flottante, entre les gadjé, les Manouches et les Roms : « une sorte de charnière entre les deux mondes. » Une « sang-mêlé », comme elle le dit au début de l’entretien, qui assure : « Je regrette pas une seconde d’avoir eu les parents que j’ai eus, parce que tous les deux m’ont apporté énormément. Et si on me demandait mon avis, où je voudrais naître, je dirais ‘‘Je veux naître chez ces gens-là’’, parce que ce sont vraiment les gens les plus merveilleux que j’aie jamais rencontrés ».
Comme pour mieux souligner la diversité des parcours de ces femmes, dans le livre, l’entretien qui suit immédiatement celui de Nouka est celui de Carmen (au prénom ironiquement emblématique), mariée à douze ans (« Je ne savais pas ce que je faisais là, j’étais trop jeune »), qui a eu sept enfants (le premier à quatorze ans), a vécu dans des « voitures cassées »…
Un autre parcours exceptionnel, c’est celui de Mona Metbach, première peintre tsigane.
Ayant toujours dessiné depuis son enfance, le déclic se produit alors que son père est dans le coma et que, voyant ses dessins, la directrice de l’hôpital lui demande de faire un tableau. Née dans une famille manouche d’artistes de cirque, rien ne la prédisposait à adopter la peinture comme moyen d’expression ; mais aujourd’hui, elle est régulièrement exposée, et même si les Manouches s’intéressent peu à sa peinture, elle commence à se faire connaître.
« Je prends de la peinture et plaf, plaf ! Et, selon ce que j’ai en tête, je fais de la création […], c’est le mystère qu’il y a en moi. » À côté d’elle, Matéo, son mari et premier admirateur, raconte que ses tableaux peuvent changer la vie de ceux qui savent y entrer.
« Je ne sais pas moi, je ne les trouve pas terribles mes tableaux, c’est ça le pire, dit quant à elle Mona. […] Ils ne sont pas assez bien faits, je voudrais qu’ils soient comme les autres peintres, plus beaux, comme ceux des autres qui ont appris.
Claire Auzias : Qu’est-ce que tu leur trouves ? Ils ne sont pas assez travaillés ?
Mona : Non, c’est pas ça ! C’est qu’un bonhomme, on dirait pas un bonhomme, puis ça fait un bonhomme, c’est pas bien fait, comme avec les peintres qui ont appris.
Claire Auzias : Ça dépend des peintres.
Mona : Ah, bon ?
Claire Auzias : Ça dépend des peintres, il y a des très grands peintres qui font pas des bonhommes tout bien finis. Mais aujourd’hui, les peintres ils font plus ça, ils font comme toi.
Mona : Ah bon, ils font comme moi ? Ah, ça me soulage !
Claire Auzias : Non, c’était avant au XVe siècle, non. C’est une peinture tout à fait moderne ta peinture, à la page, sois tranquille ! Si tu faisais une belle peinture bien léchée comme tu le dis, tu serais une peintre archaïque, tandis que là, tu es à la page, et peut-être même en avance.
Mona : Ah, bon ! En avance ? »
Photographies : Eric Roset
Claire Auzias et Eric Roset, Choeur de femmes tsiganes, Egrégores Editions, 2009.
Première partie de l’article : ICI
Deuxième partie de l’article : ICI
Contactez moi j’ai des choses à vous demander
Amicalement
Henry
Bonjour intéressent article certes …. Une précision LES ROMS c’est des gitans les ROUMAINS non alors sa fais une amalgame comme quoi tous les Roumains ce sont des Roms et ce n’est pas vrai ils ont un passeport Roumain certes car malheureusement ils y vivent mais ils sont marginalisées et vivent dans des tentes ou alors ils ont des maisons grandiose( suite à des vols ou autres magouilles ) une Audi devant la maison et vivent 5 dans une tente ….. Alors sa suffit de voir la Roumanie associe aux Roms !!!!!!!! La Roumanie a comme principaux habitants les Roumains qui sont PAS des gitans mais des simples citoyens comme vous et moi car à cause de gens comme vous qui font cette amalgame cette CONFUSIONS que les Roumains ont une mauvaise réputation auprès de l’occident et sont tout de suite associes aux Gitans ….. Alors je conseille à tous d’aller visiter la Roumanie un pays merveilleux et seulement après vous aller juger par vous-même … car vous aller voir ce qu’on parle à droite à gauche est très loin de la réalité (concernant la pauvreté etc etc etc.) Une dernière précision c’est à cause de ses Roms que la Roumanie a une si mauvaise réputation et sont appelés « les voleurs de poules « car ce sont eux qui volent et font toutes les mauvaises choses mais pas les ROUMAINS !!!!! C’est juste révoltant de voir cette perpétuelle confusion et cette association qui est juste INCORRECTE alors il fallait élucider cette affaire !!!
Bonjour. Je suis Nouka Maximoff.
Bravo et merci pour votre article que je découvre aujourd’hui. Merci également pour les copines. Je pense surtout à ma cousine Mona qui doit être très contente.
Vous pouvez nous retrouver toutes deux sur MYSPACE et sur FACEBOOK.
Claire, si tu lis ces quelques mots, je t’embrasse !
Je vous mets dans mes sites favori. A bientôt. Nouka.
Merci à vous ! C’est un plaisir de vous lire ici !
Bonjour Nouka je ne sais si je parle du même sujet j’ai connu et habité chez tita MAXIMOFF au 7 rue gregoire de tours au dernier étage
Vince taylor nous rendait visite ainsi que savina ete vous son autre fille pouvez vous me en dire plus
Amicalement
Henry