#4 « Défense du poil, contre la dictature de l’épilation intime », de Stéphane Rose

15 février 2011
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« Pour la réimplantation des poils pubiens dans les petites culottes ! »

Cette phrase qui orne la quatrième de couverture – et qui sonne comme un plaidoyer pour la sauvegarde d’une espèce animale menacée – résume bien le propos de ce petit essai stimulant et agréable à lire.

En une centaine de pages, Stéphane Rose, journaliste, écrivain et éditeur, prend donc la défense de cette espèce en voie de disparition : le poil pubien féminin (même s’il évoque aussi l’épilation pubienne des hommes).

Il commence par attribuer cette omniprésence médiatique, récente en Occident, des sexes glabres et lisses, au formidable développement de l’industrie pornographique. Et cela, pour des raisons toutes bêtes de visibilité à l’image : « pour offrir une visibilité maximale des lèvres, du périnée et de l’anus, il faut enlever les poils qui les entourent ». Du moins au départ… car la pratique s’est aujourd’hui tellement répandue que certains adolescents, à en croire l’auteur, ignorent qu’un sexe féminin puisse seulement avoir des poils.

Premiers responsables pointés par Stéphane Rose, les médias : publicité, presse féminine et presse people (dont il nous dit qu’elle partage avec la pornographie le but d’ « exciter en montrant »). Exemples (finement analysés) à l’appui, il montre comme l’on fait « croire aux femmes qu’elles s’épilent de leur plein gré »… alors qu’il y a seulement quinze ans, l’épilation intégrale ne serait sans doute même pas venue à l’esprit de la plupart des clientes actuelles des instituts spécialisés.

Oui, des clientes… car l’épilation est un marché juteux, dont Stéphane Rose nous offre un aperçu documenté. Produits, instituts, crèmes apaisantes, pochoirs, cela va jusqu’au «vajazzling », qui consiste à « s’orner le pubis avec des cristaux ». Des cristaux Swarovski, s’il vous plaît, pour l’actrice Jennifer Hewitt qui a lancé cette pratique – de vulgaires strass pour les pauvres qui voudraient l’imiter. Et cela pour une semaine, avant que les poils ne repoussent… L’essayiste voit dans cette industrie de l’épilation, qui va de pair avec le développement de l’univers « minceur », un triomphe de l’ « hygiénisme commerçant ».

Tout ce complexe médiatico-industriel a fini par nous persuader que les poils sont sales et indésirables, même là où personne, il y a vingt ans, n’aurait eu l’idée de les enlever (sauf les acteurs porno). On entend ainsi souvent qu’un sexe sans poils, « c’est plus hygiénique », « ça décuple les sensations sexuelles », « c’est plus féminin » ou « ça sent meilleur ». Stéphane Rose, au cours d’un « Procès du poil » qui clôt son livre, se fait l’avocat de ces pauvres poils pubiens mal-aimés, en réfutant point par point ces accusations, qui ne sont que des idées reçues. À l’appui de sa plaidoirie, le cortège des désagréments qui entourent l’épilation intime : poils incarnés, douleurs, rougeurs, appauvrissement sensoriel et même vieillissement prématuré de la peau des lèvres…

Le constat de Stéphane Rose est assez radical, et certains exemples qu’il donne, notamment ceux glanés sur des forums internet destinés aux adolescents, laissent penser à une disparition quasi-totale des poils pubiens, au moins chez les jeunes. Mais aucune information statistique fiable n’est disponible sur le sujet. Un sondage (évoqué dans l’essai) a bien été mené, en 2006, sur les Français et l’épilation, mais il ne comporte rien de précis sur l’épilation intime : on y parle seulement de l’épilation du « maillot » (et encore, uniquement lorsqu’on interroge les femmes qui s’épilent à domicile). Or, entre enlever ce qui dépasse du maillot de bain l’été, et ne plus avoir aucun poil du pubis à la raie des fesses, il y a un monde !

Après une petite enquête auprès de quelques professionnels du sexe féminin (si l’on peut les appeler comme ça…), le constat de Stéphane Rose semble se confirmer.
Une gynécologue marseillaise affirme ainsi qu’« au moins 80% » des femmes qui viennent la voir en consultation ont le sexe épilé. Une proportion que confirme Gromitflash, étudiant sage-femme et blogueur, qui a travaillé en Planning familial et à l’hôpital ; mais dans son cas ce résultat est quelque peu biaisé par le fait qu’il s’agit, à l’hôpital, de femmes enceintes, qui s’épilent donc surtout en vue de l’accouchement, « au niveau des fesses et des grandes lèvres ». Il précise qu’elles ne sont que « 10%, et encore » à pratiquer l’épilation intégrale. « La plupart des femmes semblent garder au moins les poils pubiens ».

Une gynécologue parisienne constate également que « c’est une grande mode », bien qu’au-delà de la quarantaine, les femmes soient moins nombreuses à être épilées. Elle voit « de tout : ça va de l’intégrale à ce qu’ils appellent le ticket de métro ou des… fantaisies », et déclare rencontrer, chez les femmes jeunes, « relativement peu » de sexes féminins au naturel. Le blogueur Gromitflash en revanche déclare rencontrer « assez fréquemment » des représentantes de cette espèce en voie de disparition. Il souligne que cette pratique est variable selon la classe sociale : « l’épilation intégrale est peu fréquente dans les extrêmes ». Il ajoute que l’origine joue aussi : les femmes d’origine maghrébine par exemple ont selon lui souvent « le sexe glabre ».

Pour la gynécologue parisienne, certaines femmes sont également obligées d’y renoncer à cause de complications : « parfois elles ont des sortes de furoncles, de petites infections locales au niveau de la racine des poils. » Elle ne pense pas qu’il s’agisse d’une tendance irréversible. Mais le fait est qu’aujourd’hui, les poils pubiens semblent bien, comme le déplore Stéphane Rose, avoir déserté les petites culottes… et l’imaginaire érotique. Peut-on encore être sexy et poilue ?

Interview de Stéphane Rose  par les Fauteuses à lire ICI !

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2 Responses to #4 « Défense du poil, contre la dictature de l’épilation intime », de Stéphane Rose

  1. kns
    6 novembre 2013 at 19 h 46 min

    Je suis un quadra et je déteste cette mode même si j’avoue elle peut être pratique pour certaines « pratiques » ;-) Que ce soit entretenu.. o, mais visuellement l’intégrale je trouve ça moche! Franchement dans les années 70 la liberté sexuelle était plus grande qu’aujourd’hui et on ne s’arrêtait pas à la présence ou pas de poils! Comme il y a eu une période où les femmes s’épilaient entièrement les sourcils pour ne laisser qu’un trait fin au crayon, cette mode est bien passée et gageons qu’une nouvelle star de la pop affichera fièrement un petit dépassement de poils et qui du coup rendra ringardes toutes celles qui se prennent pour des fillettes!

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