#3-L’Arlberg Kandahar révélé aux hommes qui n’ont pas les mêmes initiales que Jésus

15 janvier 2011
Par

© C.L.

Les rois des cimes ne furent pas toujours les skieurs alpins. Sans Sir Arnold Lunn, nous nous contenterions peut-être encore d’épreuves de patinage artistique commentées par Nelson –you’re a great champion – Monfort, de ski de fond et de biathlon. « N’est-ce pas le cas ? » me demande ingénument mon voisin qui a suivi les Jeux Olympiques de Vancouver l’hiver dernier. Si l’on se fie aux journaux télé, sans doute, mais c’est surtout parce qu’un vieux fond de chauvinisme bleu veut nous faire croire que la France est première au tableau des médailles.

Le jeune sujet de sa Majesté Arnold découvre les joies du ski à Chamonix en 1908 grâce à son révérend méthodiste de père qui encouragea le tourisme dans les Alpes et fonda la première école de ski britannique. Il aime la vitesse et les pistes blanches, ce qui le conduit à organiser le 7 janvier 1911, il y a tout juste un siècle, la première épreuve officielle de descente, dans un parcours imposé et chronométré : « The Roberts of Kandahar Challenge Cup » à Crans-Montana, en Suisse. Le nom de la course rend hommage au très populaire général Lord Roberts of Kandahar qui s’illustra en Afghanistan à la fin du XIXe siècle. Ce fut lui qui remit le trophée. La poignée de compétiteurs inscrits rejoignent, en six heures et à pieds, le point de départ de la course, la cabane de Wildstrubel, où ils passent la nuit. Le meilleur temps est signé par l’Anglais Cecil Hopkinson qui descendit le glacier en 61 minutes.

Toutefois ces premières descentes ne suffirent pas à créer l’engouement nécessaire pour inscrire les épreuves de ski alpin au menu des premiers Jeux Olympiques d’hiver en 1924 où seules furent retenues les épreuves de ski nordique. Arnold Lunn ne se décourage pas, fonde cette année-là le Kandahar Ski Club, cherche à rendre la discipline plus spectaculaire et à dramatiser l’économie de la course. En 1928, il organise près du col autrichien de l’Arlberg, à Sankt Anton, en Autriche, avec l’aide du club de ski local, la première épreuve de combiné, une descente suivie d’un slalom, discipline redoutable, car elle oblige à allier des qualités de vitesse, celles du descendeur pur, aux exigences techniques requises par le slalom. Les deux temps sont ensuite additionnés. Ce sont deux Autrichiens qui montent sur la première marche du podium : Benno Leubner chez les hommes, Lisbeth Polland chez les femmes. L’épreuve légendaire de l’Arlberg Kandahar (AK) vient de naître, les skieurs ne vont avoir de cesse que d’ajouter leur nom à la liste prestigieuse des vainqueurs de la course. En 1930, la Fédération Internationale de Ski reconnaît enfin le ski alpin avant de l’introduire aux J.O. de 1936.

Plusieurs villes cherchent à organiser la compétition : Mürren commence à l’accueillir dès 1931, et après la Seconde Guerre Mondiale, l’AK se déroule alternativement à Chamonix, à Sestrières et à Garmisch-Partenkirchen. En 1967, la création de la Coupe du Monde de ski qui inclut l’épreuve à son calendrier très chargé ôte de l’influence à la course, la faisant presque devenir une date parmi d’autres. De plus, le peu de combinés courus dans la saison incitent les skieurs à se concentrer sur d’autres objectifs.

« King Killy » 1967

Malgré cette perte de vitesse, les sportifs courent toujours après le K de diamant qui récompense cinq podiums sur cinq années différentes, ou trois podiums et une victoire en combiné sur quatre années différentes et qui assurera définitivement leur légende. Marysette Agnel est la seule Française dotée du trophée. Après James Couttet et François Bonlieu, et une année avant Guy Périllat, Jean-Claude Killy est le troisième de nos compatriotes à le recevoir en 1966, avant de remporter une nouvelle fois l’épreuve en 1967 et de confirmer sa suprématie insolente aux J.O. de 1968.

C’est l’inscription du combiné aux Jeux Olympiques de Lillehamer, en Norvège, en 1994 qui permet à l’Arlberg Kandahar de retrouver son prestige et Chamonix reprend son organisation annuelle alors que seules Sankt Anton et Garmisch continuaient de l’accueillir. L’AK reprend des couleurs et les grandes figures du ski actuel, la « Bomba » Tomba, Aadmot, « Herminator » Maier, Kjus, Miller, Raich, Eberharter, Kostelic… montent sur les podiums de ces quinze dernières années.

Après l’annulation de l’épreuve en 2009 et en 2010, rendez-vous les 29 et 30 janvier sur la Verte des Houches, qui malgré la coloration émeraude de la piste gelée, est bien une redoutable piste noire de 870 mètres de dénivelé et de 3343 mètres de longueur !

Schuss !

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