#2 Rôles et places du père dans les séries « Brothers and Sisters » et « Parenthood »

15 décembre 2010
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La dramédie familiale est un genre prisé par les amateurs de séries aux USA et le casting est donc relevé. C’est ainsi que nous pouvons retrouver aujourd’hui deux anciennes stars de Six Feet Under, l’une dans Brothers and Sisters (Rachel Griffiths dans le rôle de Sarah Walker), l’autre dans Parenthood (Peter Krause dans le rôle d’Adam Braverman). Dans ces deux séries, les relations familiales et leurs lots de rebondissements, de surprises et de rancoeurs sont mis en scène dans des épisodes qui oscilleront entre problèmes graves et moments de légèreté d’où l’acronyme « dramédie ». Si la leçon à tirer des péripéties que doivent affronter les personnages est que rien ne vaut l’aide précieuse et les conseils de son clan, il est amusant de constater que les deux shows, malgré leurs évidentes ressemblances, varient complètement sur la place accordée au père.

Le chemin de la paternité est difficile. La faute à un casting féminin écrasant ?

Le show d’ABC s’organise tout entier autour de la figure de la mère au point qu’Entertainment Weekly a suggéré de l’intituler « The Sally Field Hour » (1) : la mort du père dans le premier épisode laisse Nora Walker s’occuper seule de ses enfants. Tous adultes, tous partis du foyer, ils ne peuvent pourtant pas se détacher de cette mère centrale et même s’ils se plaignent de son attitude intrusive, tous trouvent auprès d’elle conseils et réconfort. Le père revêt bien vite la figure du repoussoir : incapable de comprendre certains de ses enfants qui vouent pourtant un culte à l’entreprise familiale pour être proches de lui, volage depuis des années, il aurait eu un enfant hors mariage et la recherche de cet enfant ainsi que le quiproquo qui s’ensuit est un des fils rouges majeurs des quatre premières saisons. Les personnages féminins de la série sont des femmes fortes, chefs d’entreprise ou femmes politiques, mais elles restent avant tout des figures maternelles : Sarah doit concilier travail et enfants à la suite de son divorce, Kitty (Callista Flockhart), reconvertie chef de campagne de son Républicain d’époux, subit une fausse couche avant de réussir à adopter par le biais d’une mère porteuse, la grossesse de Rebecca (Emily Van Camp) déséquilibre le couple qu’elle forme avec Justin (Dave Annable), et l’ancienne maîtresse finit par rejoindre le clan Walker en devenant belle-mère. Pour les hommes en revanche, le chemin de la paternité est difficile. La faute à un casting féminin écrasant ? Les scénaristes semblent avoir trouvé un moyen imparable de faire disparaître des personnages de la série. Un homme volage est un mauvais père et il est donc exclu (temporairement ?) de la cellule familiale : adieu donc à feu l’époux de Nora, au premier mari de Sarah, et à Tommy, le méchant fils (Balthazar Getty) qui se rachète en retournant après une longue repentance auprès de sa femme et de son enfant mais loin de nous, à Seattle. La mort est aussi le sort réservé au sénateur incarné par Rob Lowe qui souhaitait quitter la série mais elle offre alors l’occasion à sa partenaire d’endosser de nouveau le rôle de mère courage. Il reste enfin le cas du dernier frère, Kévin (Matthew Rhys), qui depuis qu’il file le parfait amour avec Scotty (Luke Macfarlane), souhaite à son tour devenir père, une paternité dont il parle comme d’un accomplissement personnel, mais à cette heure, un enfant n’a toujours pas fait son apparition chez ce couple homosexuel…

Dans cette série, les mères ont besoin des pères.

Là où ABC ne laisse pas de place à une paternité heureuse, pleinement assumée, NBC multiplie les figures paternelles et les cas-types dans son nouveau show Parenthood parfois de façon un peu caricaturale comme si Jason Katims n’avait pas digéré complètement son manuel du parfait petit scénariste. Ici encore, c’est le casting qui attire : retrouver Lorelei Gilmore et Nate Fisher en frère et sœur ne se refuse pas. Tout comme dans Brothers and Sisters, la série s’ouvre par le retour de la fille prodigue : Sarah Braverman (Lauren Graham), mère esseulée de deux adolescents, revient à contrecoeur chez ses parents afin d’offrir à sa progéniture une vie plus calme. Le patriarche est là aussi défaillant. Plus vivant que William, Zeek (Craig T. Nelson) n’en est pas moins un piètre conseiller peu sympathique. Adam (le symbole n’est pas léger…) le fils, est donc celui vers qui tout le monde se tourne et que chacun consulte au moindre problème. Confronté à la maladie de son propre fils qui souffre du syndrome d’Asperger, il incarne le mari aimant, le père responsable, le frère attachant, le Pilier qui pleure parfois mais jamais ne s’écroule. Il sait conseiller les autres hommes de sa famille : d’un côté, le jeune frère Crosby (Dax Shepard) lorsque celui-ci fait face à l’annonce de sa pas si nouvelle paternité, de l’autre le beau-frère Joel (Sam Jaeger), le père au foyer parfait, victime d’une épouse charmante mais castratrice, Julia (Erika Christensen). Dans cette série, les mères ont besoin des pères. Si Jasmine annonce à Crosby qu’il a un fils de cinq ans, c’est tout autant pour le développement personnel de son enfant que parce qu’elle a besoin de soutien ; si Julia jalouse l’attachement de sa fille pour Joel, elle doit reconnaître que c’est un excellent père auquel les autres mères arracheraient bien tous les vêtements à la sortie de l’école ; si Sarah retourne chez ses parents, c’est parce qu’elle sait qu’Adam se prêtera au jeu du père de substitution ; enfin si l’épouse d’Adam (Monica Potter) aime son mari, c’est parce qu’elle forme avec lui l’équipe parfaite, l’idée de complémentarité étant essentielle à leur couple.

Le noyau dur de la famille parents-enfants et donc frères-soeurs est perçu comme un refuge inaltérable à protéger et à chérir.

Qu’en conclure ? La famille américaine télévisuelle se conçoit et se construit autour d’un référent. Si le matriarcat de Brothers and Sisters est évident, Parenthood essaie davantage d’éviter l’écueil d’un choix trop affirmé même si à trop vouloir concentrer les cas de figure, elle en devient maladroite. Le noyau dur de la famille parents-enfants et donc frères-soeurs est perçu comme un refuge inaltérable à protéger et à chérir. Mais nous y lisons un glissement annoncé dès le titre de la première. Là où le couple peut échouer, là où le parent peut être de mauvais conseil, ce sont finalement les doubles de nous-mêmes, ceux qui ont grandi avec nous, qui ont reçu la même éducation, qui viendront nous sauver. Là où le père dévoilera ses limites, le frère répondra présent, là où la mère agacera, la sœur saura trouver le mot juste. Mauvais ou bon père, bonne mère ou étouffante, qu’importe, du moment qu’à l’heure des choix, ton semblable, ton frère soit à tes côtés.

(1) Entertainment Weekly, 27.12.2006.

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