#2 Larry Clark : le sexe des anges ?

15 décembre 2010
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Avertissement : Cet article contient des images susceptibles de choquer un public jeune ou non averti.

LARRY CLARK

Kiss the past hello

Jusqu’au 2 janvier 2011 au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris.

La rétrospective Larry Clark est interdite aux moins de dix-huit ans. On estime que l’exposition peut choquer. Justement parce que des adolescents sont photographiés dans leur sexualité. Ce n’est pourtant pas tant l’adolescence ou la sexualité des adolescents, qui est ici photographiée, que la sexualité, le sexe tout court (si l’on peut s’exprimer ainsi – et l’on peut, car les sexes sont loin d’êtres courts, chez Larry Clark). Presque le sexe à l’état pur finalement. Car, les mêmes photos, avec les mêmes modèles de vingt ou cinquante ans plus vieux, pourraient tout autant choquer le regard.

La nudité détonne, tranche, heurte.

Ces scènes de sexe n’ont rien de bien original : coït, fellation, masturbation. Rien que du naturel. Pas d’accessoire, pas de costume, pas de décor faits exprès. Le corps seul exprime, manifeste, signifie. Alors qu’est-ce qui perturbe, éventuellement, dans les photos sexuelles de Larry Clark ? Le sexe, on connaît, on en est rassasié, on en parle à tout bout de champ. Ça n’est plus si choquant que ça. Alors pourquoi ces images de corps qui se font du bien dérangent-elles ? Ce que rencontre l’œil, dans les mises en scène de la sexualité selon Clark, c’est le quotidien dans ce qu’il peut avoir de décalé ou de sordide. Ces corps ne font pas l’amour dans un lit, mais par terre, sur un canapé, dans la voiture, dans la salle de bain et, quand bien même lit il y a, les draps ne cachent rien, les corps sont sur le lit et non dedans. Ce décor artificiel, construit par l’homme, non conçu pour la sexualité, mais pour une tout autre utilité, associé au plaisir, rend ce plaisir gênant, donc malsain. C’est bien cette association du mobilier quotidien à des ébats qui dérange. La nudité détonne, tranche, heurte. Non pour elle-même, mais par le cadre dans lequel Clark la fait poser. Le photographe joue sur les contrastes, et pas qu’avec le noir et blanc.

Le visiteur voyeur.

On voit des gens chez eux. Si on ne les voyait pas, la scène ne poserait pas de problème. C’est parce que quelqu’un les regarde (le visiteur) que la photo produit son effet. Ce que font ces gens ne regarde personne, personne n’a à les regarder. Ainsi, Clark manipule le spectateur en l’insérant, par le hors champ, dans son œuvre. C’est parce que le visiteur est là, voit la photographie, qu’elle devient indécente. C’est sans doute tout le discours de Larry Clark, la sexualité n’a rien de dégoûtant. Est dégoûtant celui qui y voit quelque chose de dégoûtant. Est plus dégoûtant celui qui la regarde sans y participer que celui qui la pratique. À aucun moment, Clark ne porte de jugement sur ses modèles, qui ne sont rien que des Adam et Ève dans leur Eden moderne. Le serpent, c’est le spectateur. En présentant au cœur de son cadre des modèles marginaux, c’est le visiteur que Clark met en marge.

Le visiteur exhibitionniste.

Ce n’est pas un hasard si les photos qui apparaissent les plus « jolies » (les plus faciles à regarder ?) sont celles où un couple s’ébat dans l’herbe ou du moins dans l’eau (de la baignoire, d’accord). Le reste de l’exhibition reste éloigné du décor naturel. L’indécence de Clark est dans ce recours au spectacle quotidien, commun. Ce matelas à même le sol, ce pourrait être celui de n’importe qui, de n’importe quel visiteur. Le spectateur se sent happé car c’est simplement son monde qu’il retrouve en photo. Ce pourrait être lui, là, étendu contre cet autre corps. De voyeur, il devient presque exhibitionniste.

Indépendamment de la qualité des photographies exposées à l’occasion de cette première rétrospective en France du photographe et réalisateur Larry Clark, on regrettera cependant l’économie de la sélection. Deux cents tirages pour cinquante ans de vie, c’est trop peu ! L’exposition est frustrante. À tous points de vue, si l’on considère qu’en plus les trop rares photographies exhibées, la plupart intitulées Untitled (sic), ne sont accompagnées d’aucun commentaire pour le visiteur qui veut parcourir les quatre salles les mains vides.

Du mardi au dimanche de 10h à 18h – fermeture des caisses à 17h. Nocturne le jeudi de 10h à 22h (seulement les expositions) – fermeture des caisses à 21h. Fermeture le lundi et les jours fériés

Plein tarif : 5 € Tarif réduit : 3,50 € (plus de 60 ans, enseignants, chômeurs, famille nombreuse). Demi tarif : 2,50€ (jeunes 18-26 ans + RMIste). Possibilité d’acheter un billet combiné avec l’expo Basquiat.

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