En cette période de fêtes, ni vous ni vos enfants n’avez manqué de faire scrupuleusement votre liste de cadeaux. Mais êtes-vous bien certains de les mériter ? Que ferait le Père Noël de nous s’il existait vraiment et pire, comment l’utilisons-nous pour éduquer nos enfants ?
Avez-vous été sage cette année ? Méritez-vous vraiment l’avalanche de cadeaux qui risque de s’abattre sur vous et votre petite famille dans quelques jours ? Rien de plus simple à vérifier, il suffit de faire un petit test : si… trop souvent aux dires de votre entourage (ou de votre conscience)… durant l’année 2010…vous vous êtes montré paresseux (se) à l’idée de faire le ménage, de faire la cuisine, de faire les courses, d’emmener les enfants à l’école, d’aller chercher les enfants à l’école, de faire les devoirs avec eux, d’aller au boulot, si vous avez secrètement pensé étrangler votre belle-mère, écraser le chien du voisin ou encore hurler à votre patron un monstrueux « Je t’emm… ! », si vous avez fait de l’œil (ou du pied) à la voisine, à un collègue, ou si vous vous êtes laissé faire du pied (ou de l’œil) par le voisin, ou une collègue, alors je vous le dis : gare à vos fesses ! Ce n’est pas le gentil Papa Noël qui viendra vous rendre visite le 25 décembre, mais plutôt son opposé, le sinistre Père Fouettard…
Le Père Noël fait du chantage
La fin de l’année approche, et avec elle la venue du Père Noël. Il fut un temps en France, et c’est encore le cas dans certains pays, où les enfants attendaient l’arrivée de Saint-Nicolas (en quelque sorte l’ancêtre du Père Noël) et du Père Fouettard, l’un distribuant des cadeaux, l’autre des fessées, à la date du 6 décembre. Aujourd’hui, le 25 a largement supplanté cette date, et le Père Fouettard n’est plus craint pas beaucoup d’enfants, qui savent bien qu’ils ne recevront pas de coups de fouet en retour des innombrables bêtises faites tout au long de l’année.
En revanche, il persiste encore l’habitude, pour les parents notamment, de promettre le meilleur, ou de menacer du pire, en fonction du comportement de leurs enfants durant la période de l’Avent : si tu es sage, le Père Noël t’apportera de nombreux cadeaux, mais si tu ne l’es pas, il ne laissera rien au pied du sapin ! C’est que ces personnages liés à la Noël ont de tous temps servi de substitut parental, du moins pendant un mois de l’année. Le Père Noël est celui qui récompense un comportement irréprochable, tandis que le Père Fouettard est, au contraire, celui qui sanctionne. Si le mot père n’est pas à prendre au sens familial, mais plutôt comme un surnom donné à un vieil homme, il n’en reste pas moins que ces deux-là, tout comme Saint-Nicolas, ont sans aucun doute été porteurs de certaines valeurs éducatives.
Aujourd’hui, que se passe-t-il dans les familles durant le mois de décembre ? A chaque fois qu’un enfant réclame un jouet dans un magasin, la réponse des parents est sans appel : mets-le sur ta liste de Noël. Parade Ô combien pratique pour éviter les crises interminables du bambin qui ne subit la terrible frustration qu’à moitié. Votre fils est déçu des cadeaux qu’il a eus cette année ? Qu’à cela ne tienne : accusez en cœur le Père Noël ! Votre fille vient d’utiliser tout votre maquillage sur sa poupée préférée ? Menacez-là d’une démission du père Noël le 25 si elle recommence et le tour est joué. A l’habituelle phrase « je vais en parler à ton père quand il rentrera du travail », on préfèrera volontiers cette menace suprême et tellement plus effrayante : pas de cadeaux à Noël ! Et voilà comment Papa Noël en vient à jouer le rôle de père de substitution, le temps d’un mois dans l’année. N’oublions pas d’ailleurs qu’il existe une mère Noël : sagement en retrait derrière son célèbre mari, elle est surtout connue pour ses biscuits. Le père figure d’autorité et la mère nourricière ne représentent-ils pas un schéma bien connu ?
Le Père Noël fait peur
D’une certaine manière, Saint-Nicolas lui-même était déjà un père : protecteur des enfants, il en a mis trois au monde, puisqu’il leur a redonné vie alors qu’ils avaient été tués sept ans auparavant. La légende raconte même qu’il rendit la vie à un bébé oublié par sa mère dans un bain bouillant !
Si le père Noël et le Père Fouettard ne donnent vie à personne, ils n’en restent pas moins deux images antithétiques du père, l’un bienveillant, l’autre correcteur, deux attitudes possibles et même recommandées aux parents soucieux de bien éduquer leurs enfants. Sans aller jusqu’à couvrir son petit de cadeaux s’il est sage, ou de coups de fouet s’il n’en fait qu’à sa tête, les éducateurs, psychiatres et autres pédiatres ne cessent de le répéter livres après livres : récompensez une attitude jugée agréable, sanctionnez les bêtises ! Depuis un moment, les pédopsychiatres qui conseillent le retour à la fessée, si longtemps rejetée, sont même de plus en plus nombreux. Le père Fouettard n’est jamais très loin.
Fait amusant, même le père Noël fait peur aux enfants pourtant d’allure joviale, et dispensateur de plaisir : la stature du bonhomme, sa barbe blanche, le mystère qu’il incarne, sa venue une fois l’an, son grand âge peut-être, en font une figure de l’autorité. C’est lui en effet qui jugera, in fine, après vous avoir observé toute une année (ne dit-on pas aux enfants qu’il voit tout, aidé parfois de ses lutins) si oui ou non vous êtes méritant. C’est en cela que la figure du Père Noël revêt un caractère presque sacré pour les enfants, qui, n’étant pas encore en âge de comprendre ce qu’est Dieu, ont déjà affaire à un personnage pour eux surnaturel et quelque peu effrayant. Certes le Père Noël n’a pas créé de monde, mais il est, au niveau de compréhension d’un petit enfant, très similaire au créateur, lui-même appelé d’ailleurs Dieu le Père : tel un juge, il est en mesure de pointer un doigt accusateur sur n’importe quel enfant, et de le déshériter pour mauvaise conduite.
Le père Noël est un mensonge
Bien sûr, il ne le fait jamais, et c’est là la limite du système mensonger auquel nous, parents, avons recours : comment expliquer la montagne de cadeaux au pied du sapin à un petit garçon qui a enchaîné bêtises sur bêtises durant tout le mois ? Mais par sa gentillesse bien sûr : le Père Noël ne saurait rendre un enfant malheureux ! Le Père Noël se retrouve ainsi fréquemment, de foyers en foyers, complice de l’éducation parfois flottante des enfants, lui, qui, au départ, droit dans ses bottes, devait trancher, et se partager la population enfantine avec le Père Fouettard.
Le mensonge est donc largement lié au Père Noël. D’abord, nous mentons quant à son existence, et ce pendant des années. Ensuite, nous mentons sur ses intentions : viendra, viendra pas, viendra, viendra pas….de deux choses l’une : ou l’enfant passe le mois de décembre dans un état d’angoisse permanent, la boule au ventre à chaque faux pas, à l’idée d’être privé de cadeaux, ou (est-ce mieux ?), il a très bien compris le petit manège de ses parents et s’en donne à cœur joie, se moquant même secrètement d’eux chaque fois qu’ils évoquent une grève de Papa Noël. La menace se retourne alors immanquablement sur ceux qui pensaient faire acte d’autorité. Aïe !
Le Père Noël est mercantile
Enfin, le père Noël se vend. De toutes les manières. D’abord dans les livres bien sûr : témoignages d’enfants ayant la chance de l’avoir vu, description de la fabrique de cadeaux made in Pole nord, imagiers, livres à colorier, livres à écouter, à découper, à coller et j’en passe. Dans les disques ensuite : on ne compte plus les compilations de chants de Noël qui remplissent les bacs chaque année. Mais le Père Noël se retrouve aussi au cinéma, à la télévision, dans la publicité et bien sûr dans les grands magasins. Tout ce commerce existerait-il si nous n’avions pas inventé ce personnage? Et surtout, si nous ne le maintenions pas en vie en le présentant à nos enfants. De toute évidence, l’avenir du Père Noël réside dans le taux de natalité ! Bref, le mois de décembre est tout entier dédié à ce vieux bonhomme, dont, il faut bien être honnête, plus personne ne parle les onze autres mois de l’année. Car, par certains aspects, le Père Noël est un produit marketing, qui enseigne aux enfants à consommer quand on leur dit de le faire.
Au mois de décembre, le Père Noël est donc incontestablement l’allié des parents : entre mensonge, chantage, angoisses et consommation, il est définitivement là pour les aider à faire de bon petits névrosés, et tout ça pour quoi ? Pour le plaisir ! Pas mal quand même…
Merci pour ce magnifique article! Encore de quoi m’aider à m’en tenir à mon idée de ne pas mentir à mes enfants. Chez nous, pas de Père Noël!