#1 Toutes premières fois : Sahara Starr, les pasties et moi

15 novembre 2010
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Associer girl power et effeuillage ?

Au départ, la rencontre avec Sahara Starr devait simplement être un moyen de rencontrer une danseuse évoluant dans une troupe burlesque. J’avais donc contacté la troupe du Rockalily Burlesque d’Ottawa, afin de rencontrer une de leurs danseuses, n’importe laquelle. C’est Sahara qui m’a répondu. Je voulais recueillir son expérience et, il faut bien l’avouer, son sentiment sur la dimension féministe associé au New Burlesque. En effet, le discours dominant à propos de ce mouvement vise à associer girl power et effeuillage. Je pensais, bêtement, que Sahara me tiendrait ce discours et je l’attendais au tournant pour jouer l’avocat du diable – ou en l’occurrence du bon dieu – en lui présentant les paradoxes qui pouvaient être avancés face à une telle posture. Mais Sahara déjoua mes intentions. Avant de la rencontrer en chair et en plumes, nos échanges électroniques m’avaient appris que ses numéros s’inspiraient du baladi – danse orientale – qu’elle pratique depuis 10 ans. Pas d’effeuillage, pas de pasties pour la demoiselle. C’était sans compter sur sa performance lors du freakshow organisé, pour une de ses soirées, par une équipe de rugby composée principalement de gays.

« Je suis un peu nerveuse car ce soir c’est la première fois que je me sers des pasties. »

La jeune femme que j’ai rencontrée est loin de celles qui dans ce milieu aime se la jouer icône. Sahara ne vit pas pin up, ne mange pas pin up, elle fait juste ce qu’elle aime faire et la belle fragilité des personnages d’Almaric est la première chose qui m’est apparue chez elle : « Je suis un peu nerveuse car ce soir c’est la première fois que je me sers des pasties. » Première surprise. Le numéro auquel j’allais assister serait bien un effeuillage. Deuxième surprise : il serait réalisé par une novice qui, si elle maîtrise le baladi, n’est pas tout à fait rassurée de finir le show seins à l’air. La rencontre prenait une nouvelle forme; devant moi se rejouait la scène de Tournée où la nouvelle recrue, Evi Lovell, n’ose pas aller jusqu’au bout sur scène. Exclamation de Sahara à cette évocation : « Ah ça c’est moi ! Parce que toutes les autres filles sont quasiment nues à la fin de leurs numéros, moi je suis un peu celle qui n’ose pas complètement… Quand on fait des spectacles ensemble, je me soucie toujours de ce que les gens vont penser, car je suis toujours la seule qui n’enlève pas complètement tout. » Etrangement, ce qui la met mal à l’aise, ce n’est pas tant de se retrouver à moitié nue devant le public, mais de penser à la réaction de celui-ci face à cette danseuse qui ne fait pas ce que l’on attend d’elle. Mais elle s’en accommode.

Rien de féministe dans sa démarche selon Sahara.

Parce que pour Sahara le burlesque « c’est plus un art, que juste enlever ses vêtements », un moyen d’explorer la danse baladi d’une autre façon, face à un public différent. D’ailleurs, quand elle présente des numéros d’inspiration baladi, elle garde le costume, mais pas la musique arabe qu’elle remplace par du rock ou de l’électro. Ce soir, ce sera Madonna. Et les pasties. « D’habitude je porte un costume traditionnel de baladi que je n’enlève pas trop. J’ose moins de choses quand c’est un public normal. Ce soir est très différent des spectacles burlesques précédents car c’est un public gay. J’ai donc choisi un costume plus confortable, de la lingerie et puis les pasties aussi…! C’est parce que le public est gay que je m’en sers, c’est plus facile que devant un public d’hommes hétéro. J’ai pensé que c’était la bonne occasion pour essayer, pour la première fois.» Ce regard du public, que la danse lui donne le pouvoir de maîtriser, mais qu’elle appréhende également, est ressenti comme bienveillant pour cette soirée, alors même qu’elle dit que la majorité du public « normal » est constitué de femmes. Nouvelle surprise donc. Le pouvoir que donne le burlesque est avant tout pour Sahara Starr une maîtrise de son corps, de la danse et une découverte de soi. La jeune femme timide qu’elle est se révèle tout autre sur scène. Elle s’amuse, avec son corps, avec les codes, avec le public. Rien de féministe dans sa démarche selon elle. Et certainement pas de jeu avec le désir. La question de l’homme, elle l’évacue. Pas de rapport de force entre les sexes, mais simplement le plaisir de performer. Du coup, tenter les pasties, ce n’est pas tant entrer dans le moule du burlesque. C’est surtout tester ses limites et faire une nouvelle expérience de la scène.

Pas question de jeu avec le désir.

Il n’est pas question de jeu avec le désir et pourtant un public hétéro est plus impressionnant qu’un public homo; son public habituel est constitué de femmes, mais c’est le regard de l’homme qu’elle appréhende. Autant de paradoxes qui la rendent touchante et apporte fraîcheur et sincérité à son numéro, le premier numéro burlesque auquel j’assiste. Et je suis frappée par la simplicité de Sahara Starr, qui se montre et se cache, avance et recule, affronte le public et s’y soustrait. Quelque chose est en train de s’élaborer sur la scène dans ces oscillations, ces hésitations. En dépit de la nervosité qu’elle avouera pour les dix dernières secondes de son numéro – le fameux moment des pasties – Sahara est contente d’elle-même. « C’était le fun ! J’étais bien préparée. J’avais répété plusieurs fois. Habituellement, je ne répète pas tant que ça, c’est souvent de l’improvisation. Le public était super bien, ils étaient dedans, ça aide vraiment beaucoup de savoir qu’ils aiment ça ! ». Le burlesque c’est peut-être ça : des filles qui réinventent les normes ou les envoient balader de la même façon que leur soutif, en élaborant une relation particulière avec le public, un lien qui se construit et évolue tout au long de la représentation en même temps qu’elles-mêmes.

Photographies : Luise Yagreld

One Response to #1 Toutes premières fois : Sahara Starr, les pasties et moi

  1. Anaphore
    30 novembre 2010 at 4 h 11 min

    Euh… C’est quoi les pasties? Des petits pompons collés sur les têtons?

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