#1 Portrait d’une modèle amateur

Lapsus (c’est son surnom) est aujourd’hui « loin de ces histoires de pin-up ». « Ça m’a amusée un temps, dit-elle, et j’aime toujours cette esthétique, mais je m’en suis un peu lassée. L’impression de toujours voir, au final, les mêmes choses. ». Mais elle a pratiqué la photo « pin-up » (même si ce travail est loin de se résumer à une étiquette) pendant quelques années.
« C’était il y a longtemps, j’avais 17-18 ans, envie de m’affirmer un peu avec mon corps qui me posait problème (vu l’âge, c’était bien normal) et de me mettre en valeur. De me voir d’un autre œil, en fait. »
Elle est venue à cette activité grâce à son cercle amical ; des amis photographes et artistes lui ont proposé de poser. Ces séances étaient donc aussi l’occasion de passer un bon moment « entre potes », de faire de belles rencontres. « Je fais ça surtout avec des ami(e)s photographes ou artistes, pour le plaisir de partager quelque chose et de nous marrer, tout en faisant de belles images. Je suis une complète dilettante, pour ça comme pour d’autres choses. »

« … ça a surtout ce coté inaccessible, inexistant qui est plaisant, complètement fantasmé. »

Amatrice, certes, mais c’est quand même du boulot ! Poser, déjà : « ce n’est pas pour rien si c’est un métier », rappelle-t-elle, bien qu’elle affirme n’avoir « aucune prétention en la matière ». Au-delà, c’est aussi tout un travail de mise en scène et de préparation, un aspect « que je ne maîtrise pas du tout, dit-elle. Je n’en connais que de petits bouts théoriques et pratiques ». Surtout qu’en la matière, il n’est pas nécessaire selon elle d’être trop perfectionniste : « Plus le temps passe et plus j’ai l’impression de faire surtout des choses à l’arrache. Bien sûr si tu veux un décor, un thème, une ambiance, il y a un boulot de préparation en amont qui peut être vraiment immense, mais si tu as envie de portraits réussis et francs, il ne faut pas, je pense, se prendre trop la tête. Un peu de spontanéité, que diable ! »
Ce qui lui plaît dans l’esthétique pin-up ? La référence à l’ancien, qui lui donne une saveur surannée : « ce petit coté rétro, oui, un peu décalé, parfois. Et, je crois, ça a surtout ce coté inaccessible, inexistant qui est plaisant, complètement fantasmé. » Tout ceci rejoint une esthétique plus large incluant le New Burlesque, dont elle se dit amatrice, sans s’y reconnaître toutefois – pas de pratique scénique chez elle.
Ces séances de pose ont permis à Lapsus de considérer son propre corps sous un autre jour ; elles lui ont apporté une image d’elle-même « bien différente ». « Me voir en photos (y compris celles que je n’aime plus trop aujourd’hui, même si aucune n’est un regret) me permet de reconsidérer mon corps, ma personne, précise-t-elle. De prendre une certaine distance. Un peu de réflexion. »
Elle se dit féministe, « de plus en plus », malgré tous les malentendus qui entourent le mot, et ne voit là-dedans aucune opposition ou contradiction avec le fait de faire des photos pin-up, bien au contraire : « Pourquoi est-ce que le fait de reprendre pour soi des attitudes, poses venues d’une époque sexiste serait antiféministe ? La portée d’une photo est, je crois, celle qu’on veut lui donner. Il y aura toujours des gens pour y voir une potiche, une femme rabaissée, ou autre objet sexuel, mais je m’en fous pas mal. » Se poser la question d’une conciliation entre les deux, c’est déjà le signe d’un problème, selon Lapsus. « Le jour où plus personne ne se posera la question, en fait, ça sera parfait, dit-elle. Le jour où chaque personne ne trouvera rien de choquant à ce qu’une autre s’exprime aussi par sa nudité, son corps, ses envies, en plus d’un discours (ce qui peut tout à fait aller de pair), et encore plus les femmes entre elles, je crois que ce sera une réelle victoire. Et nous en sommes, malheureusement, bien loin. »

Photographies N&B : Galou

Photographies couleur : Dwam