#1 Out Of Our Minds, second album de Melissa Auf der Maur.

15 novembre 2010
Par

Portrait de Melissa en Diane

Album Out Of Our Minds (OOOM) de Melissa Auf der Maur et concert du 5 novembre à Ottawa au Maverick’s bar

Melissa Auf der Maur n’est pas vraiment connue en France pour sa carrière solo, mais plutôt pour celle au sein de Hole comme bassiste, et pour diverses collaborations quand le groupe de Courtney Love a commencé à s’essouffler après la sortie de Celebrity Skin en 1999 : bassiste sur la tournée des Smashing Pumpkins pour Machina en 2000 ou encore enregistrement d’un titre avec Indochine, Le Grand secret… Son premier album en 2004 est donc presque passé inaperçu ici. Il faut dire que c’est souvent le cas des seconds couteaux qui tentent une carrière solo, avec plus ou moins de succès, à l’ombre d’un leader charismatique et d’un passé musical qui pour le public reste lié à un groupe. Et il faut espérer que ce nouvel album de Melissa Auf der Maur lui permettra d’acquérir en France la place qui lui revient, loin – très loin même – de Courtney Love.

Il faut espérer que ce nouvel album de Melissa Auf der Maur lui permettra d’acquérir en France la place qui lui revient, loin – très loin même – de Courtney Love.

L’album

Son second album, (OOOM), sorti cette année, est un concept qui inclut non seulement un disque, mais également un film réalisé par Tony Stone et une bande-dessinée de Jack Forbes. C’est sur le disque que portera sur ce papier, disque qui, à la première écoute, peut paraître difficile, bizarre, exigeant. Il écorche, semble heurté, dis-harmonique même, la voix de Melissa faisant un étrange contraste avec la musique, comme s’il n’y avait pas d’adéquation entre les deux. Comme s’il y avait une résistance à laquelle l’oreille résiste également. Mais on aurait tort de laisser tomber, car ce sentiment procède, il me semble, d’un concept de l’album proche de la figure mythologique de Diane. Le dossier de presse évoque en effet des influences mythologiques, sans préciser lesquelles – Melissa parlera toutefois des Vikings lors du concert et une des chansons s’intitule Isis speaking. OOOM m’évoque cependant Diane chasseresse, une Diane chaste, hautaine et froide, à l’image de la lune à laquelle elle est associée, une Diane qui invite, en même temps qu’elle tient à distance celui qui s’approche.

Une Diane qui invite, en même temps qu’elle tient à distance celui qui s’approche.

L’album s’ouvre ainsi sur un instrumental emblématique de cette figure puisqu’il se nomme Hunt (« chasse »), un morceau haletant et progressif. L’ensemble de l’album apparaît dépouillé, métallique, en même temps que le son est travaillé comme une matière, à la manière de Nine Inch Nails – rien d’étonnant finalement puisque Glenn Dantzig membre de NIN a participé à l’album. Les effets de réverbération qui accompagnent la voix de Melissa participent à l’impression lunaire de l’album, et lui donne une teinte gothique proche de The Gathering ou même de Faith and the Muse. La Diane de l’album est ainsi résolument la Diane lunaire, Sélénée : sombre, froid, OOOM, qui au début semble inaccessible, devient peu à peu familier et son exigence donne à l’ensemble une belle cohérence où l’on se retrouve vite entraîné par des morceaux comme Isis speaking, Follow the map, le lancinant Father’s grave ou le très programmatique Meet me on the Dark Side. A l’image de la lune quis’éclipse ou de la Diane chasseresse, OOOM est une fuite : quelque chose semble échapper à l’oreille et les écoutes successives n’auront de cesse de tenter d’attraper ce quelque chose d’indéfinissable. On revient à OOOM avec un plaisir obscur, habité de résurgences et de fantômes sonores.


Le concert

La version de l’album qui est donnée en concert poursuit cette image de Diane que la tradition littéraire et artistique associe à une triple figure : Diane pour la Terre, Sélénée/la lune pour le ciel et Hécate pour les Enfers, là où précisément Melissa nous emmène sur scène. Rien de démoniaque cependant. L’Enfer est à prendre dans sa dimension enflammée. En effet, si à l’écoute de l’album c’est l’aspect froid et distant qui dominait, sur scène c’est l’inverse : les morceaux joués se réchauffent et prennent une autre vie. La retenue disparaît et ce quelque chose que cherchait l’oreille dans l’album s’anime. Le morceau 22 below dans sa montée en puissance et son explosion finale est ainsi parfait pour incarner cette chair du diable.

La retenue disparaît et ce quelque chose que cherchait l’oreille dans l’album s’anime.

C’est Hunt – non pas joué mais diffusé – qui ouvre le concert, pendant que des extraits du film sont projetés, extraits qui reprennent ce contraste entre le froid et le chaud, la nuit et les flammes. L’album OOOM est cependant loin d’être intégralement joué : seuls les six premiers morceaux le sont, les autres appartiennent au premier album – notamment le très attendu et tubesque Taste me.

Et c’est peut-être là la limite du concert. Je m’attendais en effet à ce que la représentation participe pleinement du projet-concept OOOM : une scénarisation, une mise en scène de ce quelque chose que l’oreille pressent, une dimension plastique éventuellement. Mais finalement, la Melissa-Diane n’a pas tenu ce rôle de mythe jusqu’au bout, même si les jeux de lumière sont venus rappeler cette opposition entre le froid et le chaud. On ne peut toutefois pas lui en vouloir, puisqu’elle a délaissé la construction fantasmagorique pour être celle que les nombreux fans attendaient, simplement elle, la musicienne. Et qui est-elle sur scène ? Une incroyable femme-basse.

La fusion entre Melissa et son instrument est tout à fait fascinante, alors même qu’on entend assez peu la basse dans l’album. Cette femme-liane, perchée sur des talons, fait corps avec l’instrument qui semble aussi longiligne qu’elle-même.

Et finalement, si ce n’est pas Diane qui est apparue dans son ambivalence et la complexité du projet OOOM, c’est Hécate qui

animait Melissa, sa chevelure rousse ne faisant qu’accentuer la flamboyance, possession infernale d’une femme par sa basse. Et inversement.


OOOM est en écoute intégrale sur le site officiel de Melissa Auf der Maur.

Melissa Auf der Maur sera en concert à Lausanne le 8 décembre 2010 ( Club Lausanne), le 14 décembre à Luxembourg (Den Atelier Au Luxembourg) et à Paris le 15 décembre (Trabendo).

Photographies live : Luise Yagreld

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